Arrivée en terre inconnue

 

Un personnage, vous ou quelqu’un d’autre, arrive

dans un pays ou une ville inconnue

Racontez cette arrivée

les circonstances, les premières impressions, les premières heures :

que voit-il, que sent-il, qu’entend-t-il, reste-t-il ou repart-il ?

 

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Image par Phil59 de Pixabay

 

 

    Louison, jeune auvergnat sabotier de son état, rêvait de partir. Les volcans entourant son hameau l’étouffaient de leur masse.

   Il mit ses outils et ses sabots dans sa musette, un quignon de pain sec dans sa poche et s’en alla par un beau jour d’automne. Il chemina, chemina, arriva devant les murs d’une ville. Il ne savait pas son nom, mais il entra. Il était fatigué, mais content : son désir se réalisait enfin.

   Il ouvrait les yeux, les oreilles et même le nez car la rigole, au centre de la ruelle sale, sentait mauvais.

  Une femme, fagotée comme une souillon, l’apostropha : « Mon minet, tu montes avec moi ? Je ne te prendrai que quelques sols… ». Il ne comprenait pas mais s’éloigna rapidement. Il dévisagea un vieux pouilleux, bossu, bancal, qui le menaça de son gourdin noueux. Un mendiant cracha sur lui, un chien montra les crocs. Il mit les pieds dans du crottin de cheval et des excréments nauséabonds.

  Il se réfugia sous un auvent surmonté d’une branche de pin. Un homme sortit, lui botta les fesses en hurlant : « Fous le camp, cul-terreux, tu fais fuir les clients. »

  Alors, il courut jusqu’à sa masure qui lui sembla un palais.

Depuis, il sabote dans son échoppe. Sa femme Jeanneton vend les sabots au marché. Ses enfants sont gagés dans les fermes. De temps en temps, les volcans soufflent un peu de fumée. Dans la taverne de son compère Sylvestre, il raconte son grand voyage aux buveurs sidérés par son courage.

 Puis il regagne le coin de sa cheminée où il fait si bon somnoler.

                                                                                                                         Line

 

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StTropezBoule

 

 

Daphné n'était jamais allée à St Tropez.

Elle passait des vacances à Fréjus.  C'était l'occasion rêvée. Il fallait tout de même aller dans cet endroit dont tout le monde avait parlé, dont beaucoup parlaient encore. Il n'était pas dit qu'elle reviendrait un jour à la Côte d'Azur...

Elle prit l'autobus.

L'arrêt à St Tropez se trouvait près de la gare.

Il lui  était souvent arrivé  de se perdre dans un endroit nouveau, aussi avait-elle trouvé la parade : aussitôt arrivée dans des lieux inconnus, elle sortait un petit carnet de son sac, dessinait le  plan des rues, notait leurs noms et cherchait des indices pour les reconnaître : une enseigne de magasin ou de café, un bâtiment public, une statue, un feu rouge... Dans ces moments là, elle se sentait très seule.  Elle aurait tant voulu être accompagnée par un homme charmant qui lui aurait évité cette corvée... La gendarmerie la déçut, elle n'avait rien du charme généré par celle du célèbre film. Grotesque, le petit Port et sa pléthore de yachts gigantesques. Son beau compagnon imaginaire n'en posséderait pas.  Peut-être jouirait-il d'un petit voilier blanc sur lequel, il l'emmènerait faire le tour du golfe... Justement un bateau était sur le point de partir pour une excursion de deux heures.  Elle se précipita.

Les villas des stars, le domaine de Bardot, tout cela l'ennuya.  Mais elle trouva charmante l'enfilade des petites maisons des pêcheurs.  Quel dommage de ne pouvoir partager ses impressions, les épaules entourées par un bras masculin et bronzé !

Plus tard, elle s'offrit une glace à la terrasse d'un petit café, s'assit sur un banc de la pittoresque Place des Lices, regarda les joueurs de pétanque, rêva...

18 h 45.  Elle allait rater le bus si elle ne se dépêchait pas, et c'était le dernier pour Fréjus ce jour-là. Elle se mit à courir tout en consultant son carnet, demanda son chemin aux passants, des touristes comme elle et qui ne savaient pas.  Finalement, elle arriva à l'arrêt échevelée, éperdue, pour voir l'arrière du bus disparaître au tournant de la rue... Elle se mit à pleurer.

-- Je peux vous aider, Mademoiselle ?

C'était un très bel homme au regard magnétique.

Il dit que, justement, il retournait au Dramont où il avait sa caravane.  Il passait par Fréjus...

 

Il se passa quelques jours avant qu'on retrouve son corps sur la plage de Pampelonne.

Suzanna

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Gare du Nord USFRT patrimoine

 

 

Premier jour à Paris

 

Quand je suis arrivée à Paris, moi, la petite provinciale, j’ai ressenti une effraction. À peine suis-je sortie du train que je suis envahie par les bruits de la foule qui se presse, qui se pousse, qui court dans un flux et reflux incessant. La voix métallique annonce les heures d’arrivée, les retards, les quais et je l’entends égrainer les noms des villes de provenance. Quand elle énonce la mienne, je sens une bouffée de tristesse qui monte et m’envahit tout entière. Comment vais-je survivre dans cet environnement urbain qui me paraît si hostile ?

Je cherche la direction du métro en traînant ma lourde valise. J’enchaîne les escalators et je m’engouffre dans un tunnel à la chaleur moite. L’air me paraît irrespirable et la lumière blafarde des néons, sur les murs carrelés de blanc, agresse mes rétines. Des odeurs, jusqu’alors inconnues, m’assaillent : je ne saurais dire si ce sont des effluves humains ou si ce sont celles des entrailles de ce monde souterrain. Ce que je sais, c’est qu’elles provoquent en moi une intense nausée. Je suis habituée aux odeurs de la nature - humus en forêt ou herbe coupée - et le choc est rude. Rattrapée par la nostalgie, je pense alors à la maison que j’ai quittée en lisière des bois. Un bruit métallique assourdissant me ramène à la réalité : une rame de métro arrive et je me demande comment on peut survivre à ce vacarme infernal. Les portes s’ouvrent et crachent des flots de voyageurs, qui courent pour rejoindre leurs correspondances ou rentrer chez eux. Le balai me semble perpétuel : autant de voyageurs qui entrent dans la rame que ceux qui en sortent. Il faut lutter pour trouver une place, entourée de personnes qui se serrent, qui s’entassent pour permettre aux portes de se refermer dans un claquement de mâchoires. Je me sens ballottée d’un côté à l’autre, mais paradoxalement tenue et même soutenue par la masse humaine autour de moi. Enfin, ma station de destination est atteinte. Je suis bousculée et peine à m’extraire, flanquée de mon encombrante valise. Quelques usagers pressés de monter à bord ne me laissent même pas descendre. Quand je quitte les sous-sols pour rejoindre la ville et que j’arrive à ma future adresse, je découvre un immeuble cossu aux volets verts, sur un boulevard envahi de voitures et leur klaxon. Tout un monde nouveau que j’appréhende de rejoindre.

Trois ans plus tard, je me sens triste de quitter Paris, cette ville que j’ai appris à aimer, en dépit de cette première impression à mon arrivée. Tous les bruits me sont devenus familiers et je crois que le calme de mon ancienne maison va me sembler bien trop calme à présent. La foule urbaine qui m’a accompagnée pendant ces années va me manquer, contre toute attente. J’ai hâte de revenir…

Fabienne

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Ngorongoro faune 1

 

 

Le voyage inconnu

J’ai participé à un concours d’écriture consistant à réaliser un reportage improvisé dans un pays inconnu de façon à donner envie aux membres de l’atelier d’y partir en vacances.

Et me voilà en Tanzanie. A la sortie de l’aéroport, une jeep m’attendait pour me conduire dans un lodge proche du parc national Ngorongoro. De ma fenêtre, j’avais une vue sublime sur le Kilimandjaro avec son sommet recouvert de neige qui formait un contraste étonnant avec la chaleur humide, étouffante de cette fin de soirée. Le logement était situé dans un grand jardin, entouré d’une nature sauvage recouverte de plantes exotiques de toutes les couleurs. Cela donnait l’impression d’être en plein milieu de la jungle, mais cette illusion ne résistait pas longtemps à l’observation qu’on pouvait en faire au cours une promenade car les diverses fleurs, les arbres jusqu’aux lianes étaient bien agencés, à la bonne distance pour faciliter le passage.

Le lendemain, après un copieux petit déjeuner garnis de fruits variés, je me dirigeai vers le centre du village situé à quelques minutes de la résidence. Cela ressemblait à une ruche, mode fourmilière ou étaient installés en ringuette tout au long de l’avenue principale des commerçants. J’avais l’impression d’un désordre organisé par la situation  des vendeurs. Celui des vêtements situé à côté d’un poissonnier, d’un fleuriste à côté des fruits et légumes. Le plus typique pour ne pas dire le plus spectaculaire était le marchand de viandes, avec un étal recouvert d’une grande bâche pour le protéger du soleil ou étaient suspendues sur des crochets des carcasses de viandes placées à côté de rubans tue-mouches pour attraper en plein vol, les insectes ayant une petite faim.

Et j’observais dans ce marché local, une foule bigarrée composée d’une maman tenant par une main son petit et de l’autre un panier bien rempli situé sur sa tête, d’un jeune homme traversant la rue avec son vélo tirant une remorque remplie de fruits et légumes, criant à tue-tête pour se frayer un passage, d’une dispute sur le prix d’un vêtement entre deux personnes. Et surpris par cette tranche de vie caractérisée par un dynamisme évident, une façon de vivre en apparence joyeuse, je m’installai au bistro situé au milieu du marché pour m’imprégner de cette ambiance d’un autre temps.

Le lendemain, mon guide m'amena au fond du Cratère dans le parc national. Et la crainte, pour ne pas dire la peur de se trouver au milieu des bêtes sauvages vivant en toute liberté se transformait mystérieusement en une intense sérénité, une sorte de bonheur magique ressemblant probablement au vécu du début de l’existence de l’humanité au paradis terrestre. J’étais en totale immersion contemplative devant l’harmonie qui se dégageait de la cohabitation de ces bêtes à la réputation féroce. Le lion se désaltérait à la source d’une rivière à côté d’une gazelle, le boa s’enroulait avec élégance au pied d’une girafe, des zèbres se frottant le museau avec une tendresse émouvante, et une multitude d’oiseaux de toute forme et de toute couleur qui créait une ambiance sonore envoutante, complétée par le murmure du ruisseau résultant d’une petite cascade. Sans oublier les reflets des rayons de soleil qui transformaient une simple flaque d’eau en un mystérieux tableau impressionniste. Au loin quelques Massaïs récoltaient des fruits pour leur consommation.

Au-delà de quelques photos pour illustrer mon reportage, j’ai essayé de conserver au plus profond de ma mémoire ces images d’une beauté sublime mais aussi les impressions dégagées de cette sereine cohabitation.

Ce voyage a été une formidable leçon de vie pour « l’animal social » que je suis. Je l’ai imprimé dans mes pensées pour les ressortir au cours des longues soirées d’hiver.

Christian

 

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En 1966, j’étais militaire sur le bâtiment base Maurienne et nous faisions route vers l’atoll de Mururoa. Le gouverneur de l’île de Pâques, qui devait y prendre ses fonctions, était à bord, accompagné de sa femme. À la demande du Chili, nous nous étions détournés de notre route pour emmener le couple à destination.

Le temps était mauvais et nous avions dû jeter l’ancre à au moins un mille du tout petit port. L’île de Rapa Nui apparaissait sombre et hérissée de rochers au milieu du bleu de l’Océan. Nous étions bien loin de la vue engageante d’une île paradisiaque.

Je me souviens...

Pour entrer dans le canot qui doit nous conduire au port, gros problème déjà. Avec la forte houle, il monte, puis descend le long de la coque, s’éloignant ou se rapprochant de l’échelle de coupée et il faut calculer le bon moment pour sauter dedans, au risque de prendre un bain forcé particulièrement désagréable, la température n’étant pas très élevée et le vent fort.

Arrivés dans le petit port de Hanga Roa, sous un léger brouillard, des barques de pêcheurs, des rochers, beaucoup de rochers. À l’arrière, un paysage volcanique, une végétation clairsemée. Des odeurs d’embruns, mélangées à celle du poisson fraîchement pêché. Et plus avant, une petite ville avec quelques maisons en dur et des sortes de huttes aux toits de paille. Un grand bâtiment de deux étages regroupant Mairie, Hôpital et sans doute d’autres services publics. Et enfin, un petit groupe d’autochtones, agglutinés, très curieux, qui nous dévisagent.

Un homme, s’approchant de nous, nous propose des chevaux pour visiter l’île. en échange, je lui donne un stylo à bille et un paquet de cigarettes et mes camarades m'imitent avec autant de babioles.

Du paysage, je me souviens d’un haut plateau à l’herbe rase, sans autre végétation, à l’aspect désolé, balayé par un vent violent, entouré de l’Océan. À l’extrémité, un à-pic vertigineux d’un côté, et de l’autre, au loin, ces fameuses statues de pierre, impressionnantes, même avec la distance.

Au retour, après un repas partagé avec notre loueur de chevaux, très accueillant, chacun échange un souvenir avec les quelques objets usuels qu’il a sur lui. Pour moi, c'est une statuette en bois sculptée par notre hôte, que je troque contre un vieux bachi.

Tandis qu’un brouillard épais a maintenant enveloppé l’île,  l’heure du départ arrive mais il faut attendre qu'il commence à se dissiper pour que le canot qui doit nous ramener à bord puisse accoster. Au fil de la journée, la visibilité devenant meilleure, nous quittons l'île.

Nous avons laissé derrière nous Rapa Nui dans la brume et je me suis dit que je n’avais pas eu le temps d’en percer le mystère. J’ai même eu l’impression d’avoir rêvé ma visite de cet étrange endroit.

Je n’y suis jamais retourné. Seule la statuette qui me regarde d’un air énigmatique me rappelle ce voyage si fugace.

Gill

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