Un souvenir au choix

 

Chacune cherche cinq souvenirs et les énonce dans cinq courtes phrases commençant par

« Je me souviens de…… »

Chacune choisit un souvenir dans la liste de sa voisine.

En 20 minutes, écrire un texte développant ce souvenir.

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Je me souviens de nos discussions passionnées à table. Les nouvelles terminées dans un silence obligatoire, on éteignait le poste. Et commençaient les commentaires. Ma mère parlait peu, non point qu’elle n’eut pas d’idées, mais elle se levait pour aller chercher les plats, remplissait les assiettes, veillait à ce que nous ne mettions pas les coudes sur la table.

      Mon frère aîné affirmait, péremptoire, que le présentateur mentait, qu’un tel qui allait à la messe était un voyou et que, et que, tout y passait. Je béais d’admiration. Mon père contredisait, mon frère lui coupait la parole, je racontais que ma voisine, en classe, m’avait distraite et que j’avais des lignes. « Tu nous agaces, disait mon frère, boucle-là. ». Ma mère s’indignait : « Parle joliment, ta sœur a le droit à la parole. ». Mon père nous informait : « Ce soir, je vais à la réunion électorale ». Et tout recommençait, le ton montait : la ville était sale, on réparait le toit de l’église avec nos impôts alors que Dieu n’existait pas, les élus étaient des je m’en foutistes. Je rajoutais bien fort : « Pourquoi  je fais pas la communion comme mes copines ? On va au cinéma dimanche ? », « Je fais l’ouverture de la chasse » disait mon père, « Je vais au rugby » intervenait mon frère, « Oui si tu te tais un moment et mange sans rien dire » clôturait ma mère en apportant le dessert.

      Les parents et mon frère avaient refait le monde et moi j’étais contente, car, de toute façon, le dimanche j’irai au cinéma et j’aurai des bonbons à l’entracte.

Line

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Soyez réalistes, demandez l'impossible

wikimédia

 

Souvenirs, souvenirs.

 

Je me souviens du jour où j’ai respiré des gaz lacrymogènes à Saint-Michel.

 

J’en suis encore étonnée d’ailleurs. Comment moi, une fille sérieuse, respectueuse de l’ordre établi, assez craintive aussi et n’aimant pas particulièrement les mouvements de foule, ai-je pu me retrouver dans une telle situation. Et bien justement, l’explication, c’est la situation particulière, le moment qui s’y prêtait, la jeunesse aussi, l’émulation, la certitude qu’il fallait changer les choses et en plus, l’accord tacite, sinon la bénédiction de mes parents, chers parents, compréhensifs, modernes, à la page, quoi !

 

Après avoir traversé un embouteillage monstre sur la Place de la République, me voilà déambulant avec quelques copains et des étudiants, stagiaires dans notre service hospitalier, et arpentant, sagement quand même, une rue adjacente au Boulevard Saint-Michel. Et puis tout à coup, un brouhaha, des cris, une pétarade et cette odeur un peu piquante, l’étonnement de ne pas avoir les yeux qui pleurent particulièrement. Les gaz étaient plus loin, sur le boulevard, et nous n’en respirions que les lointains effluves, tout en présentant nos papiers d’identité à un contrôle de police plutôt bon enfant qui nous invitait à rentrer chez nous.

 

Pas de jet de pavés pour nous, l’action violente était un peu plus loin, mais ce jour-là, j’ai été prise d’une sensation d’excitation, de liberté et de toute-puissance que je n’ai plus jamais ressentie après. Et en y repensant, je me dis toujours : je les ai sentis, ces fameux gaz, j’y étais !

 

Gill

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Je me souviens d’un chat qui s’amusait à danser derrière les vitres de la cuisine et que l’on avait appelé Rigolo.

         OH ! Des chats, du plus loin qu’il m’en souvienne, comme dirait Barbara, j’en ai toujours vus à la maison. D’ailleurs, parait-il, j’ai appris à marcher agrippée à la queue de la Minette, fondatrice de la dynastie Félicienne ; une superbe gouttière tigrée, douce, patiente et sérieuse…comme il se doit pour toute nounou qui se respecte.

          Rigolo était l’un de ses arrière, arrière petit-fils qui, à cause des croisements successifs, ne lui ressemblait guère. Physiquement, d’abord, car il était orange et roux, de ce pelage qui me fait baptiser leurs possesseurs «  anges-chats »,  car ils restent toujours enfants…pardon, chatons. Physiquement disais-je, mais moralement également  puisqu’il n’y avait pas plus facétieux que notre ange-chat domestique. Facétieux, farceur, et si j’osais…incroyablement cabot. En effet, il choisissait le moment où nous étions tous installés dans la cuisine, devant le repas du soir, pour nous offrir un spectacle improvisé et très inspiré à la fois.

         Le même scénario se reproduisait tous les jours : il sortait de la pièce en courant, comme s’il avait le diable à ses trousses, sautait sur le rebord de la fenêtre, et là, éclairé par l’ampoule extérieure qui faisait office de projecteur, entamait en virtuose un gala avec au programme : entrechats, cabrioles, galipettes et claquettes amorties.  Éblouissant.

         J’avais sept ans et je riais aux larmes. Sans prendre garde (pour une fois) à ce que j’avais dans l’assiette. Parce qu’il faut dire que jusqu’à ce que la pension y ait mis bon ordre, les repas étaient plutôt source de cauchemars pour mes parents et moi-même.

         Je soupçonne aujourd’hui ma mère d’avoir alors honteusement soudoyé Rigolo, mais je lui pardonne, car…

           Si j’ai appris à marcher avec Minette, j’ai appris les secrets de la scène avec Rigolo ; chose que d’ordinaire je ne  dis … qu’en catimini.

El Pé

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Simca Aronde P60 Monaco

wikimédia

 

je me souviens de l’aronde cahotante au col du Saint-Bernard……..

 

L’aronde bleue, toute en formes arrondies, escalade les premiers lacets du col du Saint-Bernard : le précipice est en bas, à droite. Les vitesses craquent, accélérer, freiner, rétrograder, il faut s’arrêter au sommet, ouvrir le capot, enlever le bouchon du radiateur, sans se brûler, s’éloigner un peu pour éviter l’eau bouillonnante qui fuse. On sort la table, les chaises, le poulet, le pain, les serviettes à carreaux rouges et blancs, la nappe de la même couleur. Le paysage est majestueux, embelli par l’effort qu’on a fourni pour le mériter, par les angoisses intermittentes de la montée : calera, calera pas, chauffera, chauffera pas. « Ce qui embellit le désert disait Saint-Exupéry c’est qu’il cache un puits quelque part !», et ce qui embellit le col du mont Saint-Bernard, c’est qu’il cache un flan au caramel dont j’aurai deux parts. On remet de l’eau fraiche dans le radiateur, on rebouche. Dans la montée, c’était le moteur qui chauffait, maintenant ce sont les freins : chauffera, chauffera pas, calera, calera pas, c’est mon premier grand voyage. « Voyager, disait Marcel Proust, ce n’est pas changer de pays c’est changer de regard. »

 

Louis

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Ségur Mémoires-d-un-ane Castelli p3

wikimédia

 

Je me souviens  de mes lectures , Bibliothèque Verte et Bibliothèque Rose.

Du plus loin que je me souvienne les livres et la lecture ont fait partie de ma vie. Maman nous lisait tous les jours quelques chapitres de la Comtesse de Ségur. Puis quand nous avons su lire couramment, nous avons pu piocher dans la grande bibliothèque de maman : livres brochés de la Bibliothèque Rose et Verte , ceux de la bibliothèque Rouge et Or,  tous les livres qu’elle avait lus et relus étant petite. Et puis il y avait aussi les bandes dessinées de papa : Zig et Puce, les Pieds Nickelés, Bibi Fricotin. Tout y est passé , Jules verne, la comtesse de Ségur, Robinson Crusoé, Heidi,  Daudet et  la petite chèvre de Monsieur Seguin, comme elle m’a fait pleurer !!! les contes des frères Grimm, Collodi et Pinocchio, Alice au pays des merveilles, Andersen et j’en passe …

Entamer un livre était presque mieux que de croquer dans une friandise et pourtant je suis bien gourmande. Le temps s’envolait avec délice, lovée dans un fauteuil, allongée dans l’herbe ou installée sur le large bord de ma fenêtre, je ne le voyais pas passer. Je rentrais dans le livre et en sortait péniblement quand on m’appelait pour mieux y re-rentrer  le soir bien installée dans mon lit. Dès que j’avais un peu économisé, je fonçais à la librairie pour élargir ma collection d’Alice détective, mon héroïne, maligne comme un singe, intelligente, audacieuse. Puis je me plongeais dans les aventures du Clan des Sept et du Club des Cinq d’Enid Blyton .

Oui, que de souvenirs !!! Quand nous partions en voyage avec maman , je prenais un livre et un oreiller et je lisais pendant tout le trajet. Alors descendre de Compiègne à Estartit en Espagne ne durait que le temps d’un livre !!!

J’ai vécu mille aventures , plusieurs vies au travers de toutes ces lectures. Le retour sur terre était parfois difficile, j’avais l’impression de quitter des amis en terminant un livre. On est tellement bien dans un livre !!!

 

Christine

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