La salle de spectacle et moi

 

Vous vous trouvez dans une salle de spectacle promise à la démolition

Elle se met à vous parler et vous lui répondez

Faites-nous partager votre conversation

Vous pouvez choisir une salle connue internationalement ou au contraire une toute petite salle de village, ou toute autre

 

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Image par Peter H de Pixabay

 

 

Je poussai la porte vermoulue de la salle « Florette », elle grinça si fort que je ressentis comme une douleur dans mon cœur.

Sur les murs délabrés les herbes avaient poussé, le plafond laissait voir le jour à travers la charpente.

Je m’écriai tout haut : « Comment Florette, a-t-on pu te laisser ainsi t’abimer ? »

Elle me répondit de sa voix douce et feutrée : « Te voilà bien avancée de venir me voir avant que je disparaisse ! »

La salle me parlait !

Sur un vieux siège usé je m’assis et je l’écoutai : « Te souviens-tu des kermesses organisées par le patronage ? On ne s’entendait pas, tellement vous chantiez et criez à la fois. Et pout le Carnaval, des beaux chars se pavanaient avant le défilé. Et quand dans les soirées les chorales chantaient ?...On faisait du théâtre et la salle était pleine et tous applaudissaient…les lumières brillaient, les murs étaient ornés…comme j’ai de la peine à devoir oublier toute cette gaîté !

Je vais être détruite pour construire à ma place je ne sais plus trop quoi. Merci d’être venue pour me dire au revoir.

Conserve les clichés, vous pourrez me revoir, ça me plairait assez de ne pas être oubliée. »

    J’essuyai une larme, j’envoyai un baiser et je m’en retournai.

   Gisèle

 

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Image par mohamed Hassan de Pixabay

 

 

HISTOIRE DE CINÉMA

Ce soir-là, peut-être sur un petit coup de nostalgie, pour rentrer chez moi je quittai mon itinéraire habituel et j’empruntai la rue du cinéma. C’est une petite rue bien étroite qui grimpe jusqu’au quartier de la Rocalve et pour moi empreinte de nombreux souvenirs de jeunesse.

Un panneau de tôle rougeâtre marque le lieu, où l’on peut lire CINÉMA écrit en lettres jadis blanches et criblées de tâches de rouille, signant leur abandon.

Tiens ? La porte est entrouverte. Rentrons.

Rien n’a changé. A droite, la loge du réceptionniste qui vendait les billets à l’entré et distribuait des sucreries à l’entracte contre les quelques pièces de monnaie que l’on gardait précieusement au fond de nos poches pendant toute la semaine.

Passé le hall, on entre dans la salle de spectacle. Tout au fond, prenant la quasi totalité du mur d’en face, une scène, comme au théâtre et à l’arrière, l’écran de cinéma .C’est là qu’à l’âge de six ans, j’ai vu mon premier film : » Le petit monde de Don Camillo ». Je m’en souviens comme si c’était hier.

A l’époque, je ne connaissais rien aux techniques du cinéma, mais j’avais été frappé par l’utilisation de la voix OFF qui permet de s’adresser à un personnage sans avoir à faire apparaître son interlocuteur à l’écran. (Le Bon Dieu parlait ainsi au curé Don Camillo).

A propos de voix OFF, tout d’un coup, j’entends derrière moi une petite voix qui vient de nulle part :

« –Tu te souviens ?

–Bien sûr, je me souviens! Mais qui es-tu ?

–Ne cherche pas, je suis la voix off des souvenirs de ton enfance.

–Que t’arrive-t-il ? Tout est en travaux chez toi. On te refait une santé ?

–Pense-tu, on m’enterre. Fini le cinéma de quartier. La télévision nous a détruits à moitié et les méga-cinémas des villes voisines ont fini de nous tuer. Me voilà vendue à un agent immobilier. On me déshabille avant de m’achever.

 

Ils ont commencé par arracher mes fauteuils capitonnés, puis par casser les chaises de l’avant-scène. Tu te souviens? Elles étaient réservées aux enfants qui payaient demi-tarif, et parfois, on y rencontrait le grand Ernest. Myope comme une taupe, et sourd comme un pot, il venait s’asseoir au plus près de l’écran au milieu d’une ribambelle de gamins. On s’amusait de voir la silhouette de cette armoire à glace avec son mètre quatre-vingt cinq et ses soixante-dix ans au milieu de tous ces petits enfants ,réagissant bruyamment comme eux aux facéties de Charlie Chaplin ou aux malheurs annoncés de Laurel et Hardy, son grand rire communicatif couvrant celui de la marmaille .

–Et la loge, au fond, à gauche, jouxtant la salle de projection.

–Elle était réservée au maire et aux conseillers municipaux .Le commissaire de police était là, pour ne pas y déroger.

–A l’opposé, à droite, on trouvait le coin le plus sombre de la salle, hors d’atteinte de la lumière des projecteurs. C’est là que se lovaient les amoureux, que s’échangeaient les premiers baisers. Il n’était guère propice à l’éclosion de destins cinématographiques car aucun des protagonistes, à la fin du film, n’eut été capable de raconter la moindre bribe de ce qui avait pu se passer sur l’écran.

–C’étaient les frères B. qui s’occupaient de louer et de projeter les films. Dès le jeudi, ils placardaient les affiches des films à venir sur la place du village et dès la semaine précédente, on pouvait voir dans mon hall d’accueil quelques photos en noir et blanc ou en couleur bien choisies dévoilant quelques scènes des futures projections. Ils me chouchoutaient. Tous les lundis, une femme de ménage venait faire ma toilette. Son travail consistait essentiellement à ramasser les emballages des confiseries achetées pendant l’entracte et les pelures des cacahuètes vendues par la « cacahuetera ».

–Ah ! Je me souviens très bien de cette dame sans âge, d’origine espagnole, qu’on surnommait la « cacahuetera ».Elle rentrait au cinéma, munie d’un panier en osier plein de cacahuètes qu’elle faisait venir et torréfiait elle-même et que verre par verre, elle vendait aux spectateurs. En général, l’entracte terminée elle s’endormait après avoir déposé son panier sur le siège voisin et il y avait toujours quelque chenapan pour la soulager de ses invendus.

– Pour en revenir aux frères B, ils tenaient plusieurs cinémas dans les villages alentour et il leur arrivait au fil de leurs pérégrinations cinématographiques d’oublier une bobine en chemin.

–On entendait alors : fin de la bobine 2

–M…. ! je n’ai pas la bobine 3. Elle est restée à Salles d’Aude !

–Trop tard pour aller la chercher !

–Il se passait alors un évènement extraordinaire. René un des frères B ,toujours le même , montait sur scène Après avoir éclairé la salle, il racontait là, tout seul devant 150 spectateurs médusés, avec le talent d’un acteur professionnel, le contenu de la bobine numéro 3, puis la salle s’éteignait et la séance redémarrait.

–Que de bons souvenirs ! il y a quelques temps je suis allé voir un film magnifique : CINEMA PARADISO qui raconte un peu ton histoire. Submergé par des flots de nostalgie, je l’ai vu trois fois et avec tristesse j’ai pensé à toi, ma vieille salle de cinéma, fermée depuis plusieurs années et maintenant à l’agonie.

–Ne sois ni triste ni inquiet. Je ne vais pas mourir. On va me refaire une jeunesse. Bien sûr, je vais changer de destinée, quoique ….Un promoteur immobilier véreux vient d’acheter mes murs et il va en faire le siège principal d’un parti politique. Avec les politiques, on n’a pas fini d’en faire du cinéma!!! »

Jean-Pierre

 

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Image par Herm de Pixabay

 

 

L’ADIEU DU VIEUX CINÉMA

                  La nouvelle m’a attristée, ma tante vient de m’apprendre que notre cinéma «LE SPENDID» allait être démoli. Il sera remplacé par une Médiathèque qui sera bien utile pour tous.Je décide de rendre une dernière visite à ce cinéma cher à mon cœur, ce n’était pas le «Moulin Rouge ou l’Olympia» mais nous étions si fiers tous d’avoir un cinéma dans notre village. J’arrive devant la grande façade blanche à la peinture écaillée et envahie par le lierre: le nom est à moitié effacé « CINÉMA LE SPENDID ». Je pousse le portail rouillé, craquelé et tout abîmé, je retrouve mes souvenirs de vacances de petite fille. Je me revoie à 4-5 ans, main dans la main avec ma mère, avec ma tante et mes cousines endimanchées pour venir voir un film.  J’entre, aujourd’hui la salle est vide, seule l’estrade est allumée, le grand rideau rouge du fond en lambeaux et il y a une forte odeur de moisi.Une voix s’élève : - on vient constater ma déchéance, ma lente agonie, ma descente aux oubliettes, qui se rappelle encore du vieux cinéma ? j’ai perdu mon prestige, ma gloire. On se précipitait ici, pour voir mes séances, matinées et soirées avec quantités de spectateurs. Mes sièges en velours confortables et agréables ont été pillés, volés, vendus, je ne sais pas et mon écran entouré d’angelots dorés était superbe, tout a disparu hélas, … un silence ! Je répondis : - Moi, je viens te rendre un dernier hommage et te remercier pour tous les moments magiques que j’ai passé ici. Chaque vacance chez ma grand-mère, nous venions à la séance de l’après-midi avec mes cousines. Quel beau cinéma ! quelle joie de s’assoir dans les grands fauteuils avec mon coussin car j’étais trop petite. Où est passé le piano de Jean-Pierre qui jouait à chaque entracte pour nous faire patienter ?Et Maryse la dame du vestiaire qui vendait des bonbons, sucettes et chocolats glacés, c’est inoubliable ! Ici nous avons découvert les dessins animés de Walt Disney, nous étions émerveillées devant Blanche Neige, Cendrillon, Pinocchio… nous partions les yeux étincelants. Ma mémé me donnait toujours une pièce pour acheter une glace. Tout cela, Cher cinéma restera gravé dans ma mémoire, mais je suis bien triste de te voir dans cet état.La voix répondit : - Moi aussi j’ai été inauguré en 1951 et bien des films ont été diffusés ici pour tout public. Je recevais une fois par mois le «Ciné-Club», les conférences de «Découvertes du Monde» sur les pays lointains, l’hiver j’ai accueilli les lotos, le Téléthon également et bien des manifestations. Il y avait de la vie, de la joie et des rires, c’est bien fini ! A nouveau le silence. Je repris donnant une note d’espoir, cette Médiathèque va être une chance pour toi et recevoir à nouveau des tout-petits, des jeunes, des adultes, des retraités, ce sera une renaissance qui va beaucoup te plaire. Tu vas retrouver ton rôle social de rencontre, de partage et de culture, je reviendrais l’an prochain pour visiter ta nouvelle demeure, courage et à bientôt. Et je sortis.

 

         M-Christine

 

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Image par Bruno /Germany de Pixabay

 

 

« -Bonjour cinéma Trianon de mon enfance. Pourquoi ces amas de gravats, cette porte béante ? Puis-je entrer ?

-Bien sûr, entre. Je te reconnais, fidèle avec ta maman aux séances du dimanche après-midi. C’est fini. Une supérette me remplace.

-La salle vide me parait plus petite qu’avant.

-Tu as grandi. As-tu des souvenirs ?

-J’en ai plein la tête : l’ouvreuse, les actualités, le documentaire, le film (je les mélange un peu), les habitués toujours à la même place, les gamins bruyants puis silencieux.

-Tu étais jeune, mais te rappelles-tu la première réunion publique à la Libération ?

-Oui, j’étais là, sidérée par la foule, les gens assis, debout. L’orateur parlait, parlait, je ne comprenais rien, mais ma mère écoutait attentivement. Mon père se leva, posa une question, l’orateur discourait toujours. Mon père monta sur la scène et dit : « Dis-moi oui ou non… ». Mon père ayant obtenu sa réponse, regagna sa place sous les applaudissements. J’étais fière de lui, c’était un héros.

-Et maintenant, que te reste-t-il, que fais-tu ?

-Ce qu’il me reste ? Un passé heureux et je vais encore et toujours au cinéma. »

 

        Line

 

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Image par rizvifazi de Pixabay

 

 

                           Enfant, j’ai toujours passé mes vacances d’été chez ma grand-mère bretonne. Elle vivait dans une petite ville du Finistère qui n’avait rien de bien remarquable si ce n’est son port de pêche et son cinéma. Judicieusement nommé « Le Neptune », le caf-conç du début du XXème siècle s’était depuis reconverti en salle de ciné, par nécessité.

Ma grand-mère m’y conduisait tous les dimanches après-midi et c’est ainsi que je fis la connaissance de gens fort intéressants : Fernandel, Bourvil, Gabin, mais aussi Bogart, Cooper, Bacall…et bien d’autres.

       Au cours de ma douzième année le cinéma ferma. En arrivant au début de l’été, j’appris qu’il allait être démoli puis remplacé par un super parking haut de plusieurs étages. Les touristes commençant à investir cette petite portion de territoire jusqu’alors préservée, il fallait bien s’adapter.

       Autour des ruines de l’ex ciné se dressait une palissade sordide sur laquelle on pouvait lire de place en place « CHANTIER INTERDIT AU PUBLIC »en grandes majuscules noires. Il n’en fallut pas plus pour défier ma curiosité. J’eus tôt fait d’escalader la palissade et de me retrouver dans ce qui avait été autrefois la salle obscure, aujourd’hui ouverte aux quatre vents. Et justement, ils soufflaient plutôt fort ce jour là, aussi ce n’est qu’au bout d’un moment que je parvins à distinguer une voix qui chuchotait à mon oreille : «  Merci, merci pour cette visite ».Regardant de tous côtés et n’apercevant personne, ce fut en tremblant quelque peu que je me mis à balbutier : « Mais, qui, qui me parle ? Où, où êtes-vous ? 

-Ne cherche pas, il n’y a plus que des ombres, ici. Celles des artistes, et celles des spectateurs.  Et moi, que l’on a appelé Neptune, je suis la somme de toutes ces ombres. Ta visite m’a éveillé du dernier sommeil où je sombrais, entrainant avec moi l’âme de cette salle. Je t’en remercie, mais maintenant pars, va, laisse donc mourir,  Neptune, qui est l’âme des ombres. »

Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je me suis mise à hurler, des larmes plein les yeux et des sanglots dans la voix : «  Non, jamais ! Je vous sauverai, vous tous, je vous le promets ! Ne restez pas ici, venez avec moi, je ne sais pas encore comment, mais je vais trouver un moyen ! »

Et je l’ai trouvé. Je suis devenue la célèbre actrice que vous connaissez tous et Neptune est plus en forme que jamais, car il m’accompagne partout et chaque pièce, chaque film où mon nom est à l’affiche, le sien, bien qu’invisible, y est aussi, toujours fidèle à sa devise : « Show must go on ».

                                    Et c’est très bien ainsi.

        El Pé

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Image par CETIAT de Pixabay

 

 

La salle de spectacle dans laquelle je me trouvais était vide. Pourquoi cette étrange impression d’être observée. Soudain, une voix.

« Madame, s’il vous plait »  intriguée et surprise, je me retournai,  personne. De nouveau, la même voix.

« –madame s’il vous plait, j’ai besoin de votre aide. 

–Mais qui êtes vous et où êtes vous ?

–N’ayez pas peur, c’est moi la salle de spectacle qui vous parle, écoutez mon histoire.

Voilà, je suis promise à la démolition car je ne suis pas assez rentable. Pourtant hier encore deux cents personnes étaient là à faire la fête. En fin de semaine, tous les jeunes gens du village se réunissent ici, où vont-ils aller, si je disparais.

 Je vous en prie, aidez moi, plaidez ma cause.

–Bien sûr,  je vous comprends, je vous promets de faire tout mon possible et d’employer toute mon énergie afin de vous sauver »

Bizarre cette conversation !  mais peut- on expliquer  l’inexplicable ?

Louisa

 

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