Trois choix pour une fin

 

Choisir une des phrases suivantes

« Le froid l’éveilla ; ou plutôt une chaleur lui manquait »  Mauriac   « l’Agneau »

« Ce fut une simple nuit, en automne, il y a sept ans, mais je ne l’ai pas oubliée »  J.C. Ruffin  « sept histoires qui reviennent de loin »

« Il était près de midi et elle n’avait toujours pas donné signe de vie » J. Rouaud  « les champs d’honneur »

En 20 minutes, écrire un texte dont le thème sera l’automne et qui devra se terminer par une de ces trois phrases.

 

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L’AUTOMNE

 

Jean-Marc se fit un café corsé. Habituellement, il se contentait de celui de la veille dont l’arôme éteint lui rappelait le café de sa grand-mère. Aujourd’hui, dès neuf heures, il en était à son troisième bien serré après être sorti s’acheter des croissants.

 

Mathilde était partie en catimini dès qu’il se fut endormi la veille au soir, après qu’il eut passé une journée terne dans son foutu boulot de merde qui lui donnait maintenant des cauchemars. Il rentrait chez lui comme un zombie depuis quelques temps, sans descendre à la station de métro précédant son terminus pour faire quelques pas le long de la Seine.

 

Jean-Marc avait rencontré Mathilde chez un bouquiniste. Ils avaient vite sympathisé. A la cinquième rencontre il l’avait invitée à prendre un verre dans son petit appartement pour terminer cette soirée d’automne. D’autres verres succédèrent au premier. Ils furent bientôt suivis de petits repas achetés à la va-vite chez le traiteur du coin. Les nuits ne tardèrent pas à se passer aussi chez lui, avec les départs précipités au petit matin.

 

Ce matin-là, Jean-Marc trouva la place froide à côté de lui. Décontenancé, il se leva avec peine. Il arriva devant le miroir de la salle de bains, sur lequel il découvrit, tracé au rouge à lèvres : A DEMAIN.

 

Une lueur d’espoir vint lui donner du cœur au ventre. Cependant, à dix heures, pas de nouvelles de Mathilde. Pas de numéro de portable, ni de fixe d’ailleurs. A onze heures, toujours rien.

 

Il était près de midi et elle n’avait toujours pas donné signe de vie.

 

Mouty

                                                                

 

 

   

Truffe

Yvon avait un bateau de pêche, « Le Courageux », et on peut dire que ce nom allait comme un gant, tant au patron qu’au bateau. Il allait contre vents et marées, pour ramener le poisson qui valait de l’or puisqu’il lui permettait de les nourrir, lui et son chien, Truffe, beau Berger au fin museau noir et à la robe beige clair.

 

Yvon était taciturne. Célibataire, il vivait avec Truffe et la complicité entre l’homme et l’animal était palpable. Tout le monde connaissait sa haute stature, appréciait sa discrétion et avait toujours une caresse pour son compagnon. Yvon et Truffe ne se quittaient pas, excepté certaines nuits de pêche, quand la mer était grosse, car Yvon craignait qu’une tempête ne fasse chavirer « Le Courageux » et il ne voulait pas que Truffe coure le moindre danger. Alors, c’était moi, son voisin retraité, qui le gardais, ces nuits-là, le chien m’ayant, si l’on peut dire, choisi comme maître de substitution. Et justement, c’est par une nuit de tempête d’automne que le bateau et son capitaine furent portés disparus. La mer ne rejeta aucun débris et Yvon dut périr car les recherches furent vaines.

 

Je recueillis alors Truffe qui passa toutes les nuits qui suivirent ce drame, dehors, au bord de l’océan, couché, à attendre. Impossible de le faire rentrer avant l’aube où, la tête basse, il s’asseyait, les oreilles aux aguets, scrutant l’horizon.

 

La nuit anniversaire de cette triste disparition, une tempête d’automne presque aussi forte fit rage. Truffe, comme à son habitude, resta dehors malgré les bourrasques et dans la nuit, je l’entendis aboyer mais son aboiement, mêlé au fracas furieux du vent et des vagues, me sembla joyeux. Ne le voyant pas revenir, j’allai sur la plage, mais là, personne ; la mer s’était calmée, sa surface était parfaitement étale. Quelque chose de sombre au bord de l’eau attira mon attention : il y avait un morceau de bois sur lequel on pouvait lire, en lettres de cuivre, «courage » et à côté, un morceau de tissu délavé que je reconnus comme étant la casquette d’Yvon.

 

Je ne revis plus jamais Truffe mais depuis ce jour, les nuits de tempête, j’entends comme des aboiements lointains et joyeux et -vous n’allez pas me croire- je crois qu’il y a même des rires d’homme. Ce fut une simple nuit, en automne, il y a sept ans, mais je ne l’ai pas oubliée.

 

Gill