La peur en lumière

 

Quelle a été plus grande peur de votre vie ?

 

Racontez

 

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TERROVIAIRE

C’était il y a longtemps, très longtemps. En général, les souvenirs remontant à cette époque s’estompent dans ma tête. Tous les souvenirs. Sauf celui-là.

         Un samedi après-midi  en Oranie.

Le printemps est bien avancé mais pas trop chaud encore, ce qui a inspiré à mon père l’idée d’une petite balade en famille. Presqu’en famille vu que ma mère a récusé l’invitation pour cause de couscous dominical à mettre en route. Qu’à cela ne tienne ! Papa, Pierre (mon frère) et moi enfourchons nos vélos et partons vers la campagne…que nous atteignons vite car nous habitons juste à l’orée de la ville. Nous pédalons en chantant des marches militaires pendant une petite demi-heure, puis, à mon grand soulagement, le signal de la pause est donné. Fort à propos en effet, quelques oliviers apparaissent  offrant leur ombre, clairsemée certes mais bienfaisante. On met pied à terre, on se désaltère, et toute  fatigue oubliée, Pierre et moi entamons une partie de trappe-trappe*.Echevelée. On rit, on crie, on se court après.

       Le chemin de terre qui nous a conduits jusqu’ici longe une voie de chemin de fer. Un petit passage à niveau a été aménagé précisément où nous sommes afin de permettre au chemin - ainsi qu’aux vélos, charrettes et bourricots- de traverser  sans encombre la voie afin de poursuivre de l’autre côté.

         Sans encombre, c’est vite dit, car sitôt engagée sur ce passage en ciment, mon pied droit vient malencontreusement se loger dans la rigole où repose le rail. J’essaie de retirer ce pied…impossible.

        Mon père, qui nous observait, tranquillement assis en fumant une Gitane maïs, se lève précipitamment et arrive en courant. Il me semble plus pâle que d’habitude. Saisissant mon pied emprisonné, avec quelque difficulté toutefois vue l’étroitesse de la rigole, il essaie de l’extirper de là. En vain.

        Moi, je ris. J’ai neuf ans. Les mains de mon père tremblent. Son visage ruisselle de sueur. Finalement, je ne sais par quelle manœuvre miraculeuse mais un peu douloureuse toutefois, il parvient à extraire mon pied de sa mâchoire de ciment. Je ris toujours.

        Nous reprenons nos vélos. Papa est toujours aussi pâle. Il me regarde d’un air égaré et s’écrie : « Pas un mot à Maman, hein ? ». Bien sûr ! Pourquoi faire ?

      Quelques minutes plus tard, sur le chemin du retour, nous croisons le train qui nous salue d’un joyeux coup de sifflet.

     Je commence alors à réaliser…et n’ai plus cessé depuis. Par exemple, la chanson « Et j’entends siffler le train » ne manque jamais de me glacer d’effroi. La peur, la terrible peur rétrospective sommeille toujours en moi. Ainsi, à l’instant même, en écrivant…   

       El Pé

*Jeu plus connu en Algérie sous le nom de : « Tu l’as ».

 

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Seisme mexico

wikimédia

 

LA PLUS GRANDE PEUR DE MA VIE

 

3  heures du matin …. je me réveille en sursaut, mon lit s’agite violemment de droite à gauche, comme un bateau ivre, les étagères s’entrechoquent, les livres dégringolent en cascade, la suspension au plafond se balance dangereusement  telle un funambule au milieu d’une tempête. J’essaie de me lever, le sol ondule sous mes pieds, je tangue, je titube, mon cœur bat la chamade, et puis il y a ce bruit, ce bruit sourd qui semble sortir des entrailles de la terre !!!

Ça y est ! j’y suis ! c’est un tremblement de terre ! Mon premier tremblement de terre !! le premier d’une longue série !

Au petit matin je constate l’ampleur des dégâts : asphalte soulevée, vitres brisées, édifices terriblement fissurés, trous béants dans les murs… Les sirènes des ambulances et des pompiers, qui essaient de se frayer un chemin dans ce chaos, n’arrêtent pas.

J’ai l’impression que tous les habitants de la ville de Guatemala sont dans la rue : le teint gris, l’air hagard, les épaules enveloppées d’un sarape, les enfants en pleurs. Ils sont installés un peu partout dans les jardins publics, sur les trottoirs, sur les places. Plus de lumière, plus d’eau, plus de téléphone, plus de bus, plus d’école, plus de vie …!!!

4 FEVRIER 1976

GUATEMALA CITY

SEISME DE MAGNITUDE 7.9 SUR L’ÉCHELLE DE RICHTER

(énergie équivalente à 30 000 bombes atomiques !!!)

1er BILAN   : 35 000 MORTS

                       70 000 BLESSÉS

DES VILLAGES ENTIERS D’ADOBE RASÉS

LA VILLE DE GUATEMALA TRÈS ENDOMMAGÉE

 

Le programme de reconstruction sera long !!!

 

Christine

 

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Mes peurs…

La plus grande peur de ma vie, évidemment, c’est quand le maître-nageur m’a jeté dans la piscine, en CM1, quand j’ai senti l’eau entrer dans mon nez et dans ma bouche et que j’ai commencé à paniquer et à croire que j’allais me noyer. Quelle brute, celui-là !

Mais non, c’est plutôt quand il y a eu l’incendie dans l’appartement de mon enfance et que j’imaginais les flammes en train de faire disparaître l’immeuble, avec toute ma famille prise au piège. Quel soulagement quand ce grand pompier est arrivé, si grand vu par mes yeux de 6 ans. J’ai gardé, pour ce corps de métier, une admiration sans bornes.

Ou peut-être est-ce  quand j’ai fait ce long voyage en avion pour aller en Polynésie et qu’à chaque trou d’air, je pensais qu’il allait s’écraser et que ma dernière heure était arrivée. Je l’ai gardée, cette phobie de l’avion.

Pourtant, en y repensant bien, ma peur était moins visible mais bien plus profonde lorsque mon père rentrait du travail avec quelques minutes de retard, lui, si ponctuel. Je regardais ma mère, cherchant à deviner l’inquiétude sur son visage, j’imaginais l’accident, mon cœur se serrait et l’angoisse me gagnait.

Ah, mais j’oubliais cette fois où j’ai pris le bateau pour visiter le château d’If ! La mer était si grosse, les vagues si fortes que je voyais déjà l’embarcation chavirer, et les passagers passer par-dessus bord. J’étais terrorisée à un tel point que je serais bien restée sur l’île, toute seule dans la forteresse, pour ne pas affronter le retour.

En fait, je m’aperçois que j’ai été effrayée bien souvent dans la vie, et qu’à chaque fois, j’ai cru que j’avais atteint le summum de la peur, mais j’ai tord parce qu’il y a toujours pire.

Alors, certains jours, je redoute de ne pas encore l’avoir eue, la plus grande peur de ma vie !

Gill

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N'étant pas bien grande , âgée peut-être de 5 ans ou bien 6, mon père fit l'acquisition d'une voiture 4ch Renault, vert pâle, très en vogue à l'époque, avec des portes s'ouvrant d'une façon que nous pourrions nommer maintenant à contre sens. Elle avait des sièges petits,  recouverts de velours beige, très doux. Tout sentait le neuf, mon père en était très fier et en prenait grand soin. Nous faisions régulièrement des sorties, spécialement le dimanche ou l'on mangeait dans un petit restaurant à 20 km de chez nous, ce que toute la famille appréciait beaucoup.

Habitant en montagne, cette année-là nous décidâmes de passer quelques semaines de vacances à la mer. La malle fut vite prête, remplie avec tous les vêtements d'été, ainsi que les attirails de plage. Mon père chargea le tout sur la galerie de la voiture et nous voilà partis, avec un peu de retard. La route étroite, grimpait en direction de la grande nationale, nous étions derrière un vieux camion, qui avaient les feux arrière qui ne fonctionnaient plus, aucune visibilité, impossible de le doubler. Cependant mon père risqua un petit dépassement, il mit son clignotant et se décala un peu pour évaluer la situation. Ma mère soudain s'esclaffa :" Loulou ne double pas, c'est risqué" ! docile mon père se rangea de nouveau derrière ce véhicule en mauvais état.  En se rapprochant, soudain, pour une raison inconnue, en haut de la côte, le camion pila net,  ne pouvant freiner à temps, l'avant de notre petite voiture s'encastra sous la plate-forme du camion, la malle s'abattit sur le pare-brise et nous fûmes soudain presque dans l'obscurité. Les portières s'ouvrirent toutes seules,   ma sœur et moi blêmes de peur nous sortîmes en hurlant et courûmes dans un champ couvert de fleurs rouges que l'on appelait "gouttes de sang", heureusement pas le nôtre !

Ce fut pour moi la plus grande peur de ma vie et cela me laissa une très mauvaise passagère, spécialement lorsque je ne suis pas la conductrice.

 

Christine

 

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