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3/ la chorale en guinguette

 

 

LA CHORALE EN GUINGUETTE

 

Madame de l’Amoral et Mademoiselle de Lelonbec prennent leur thé-citron habituel à la terrasse du Cristal. C’est leur lieu declôture de leurs répétitions à la chorale paroissiale. Aussi teigneuses l’une que l’autre, elles s’entendent comme larrons en foire  quand il s’agit de coiffer une copine ou un membre de la famille. Elles ont pourtant des tas de problèmes personnels qu’elles ne divulguent à personne - oui, vraiment personne - si ce n’est à leur chien ou à leur chat quand le trop-plein de malheurs, réels ou supposés, les étouffe.

 

Marthe de l’Amoral et Julie de Lelonbec existent dans la société sous leurs pseudonymes respectifs attribués par des gens « insignifiants et jaloux » disent-elles.

Il commence à faire frisquet en cette soirée d’automne. Elles rajustent en chœur leur gilet gris et leur foulard blanc. Qui se ressemble s’assemble, dit l’adage, confirmé par leur ressemblance physique et morale.

 

Marthe : « Cette nuit, j’ai rêvé du mur, ce mur auquel j’ai parlé tout au long de l’été dernier ».

 

Julie : « Un mur, ça se tait. Ça a l’air d’être en veille quand on lui parle. Ça reste muré dans son silence ».  

 

Marthe et Julie poursuivent allègrement leur conversation, égratignant au passage toutes leurs prétendues « amies » : 

 

« - tu as vu le ridicule chignon de Lucie !   

   - Et le corsage affreux de Sophie ?     

   - Et la jupe de Valérie ! Pour qui se prend-elle ! Elle se croit encore adolescente ! ».

 

Et c’est sur ces aimables réflexions qu’arrivent les trois susnommées : Lucie de Kermadec, Sophie Kermorgant et Valérie Beaulieu, toutes trois appartenant à la même chorale.

 

 « Oh mes chéries, comme vous avez raison de vous faire plaisir avec un petit thé ! Allez, nous allons vous tenir compagnie et vous proposer une idée que nous venons d’avoir. Pourquoi ne pas faire une fête avec tous les participants à la chorale après la représentation de fin d’année ? »

 

« Excellente idée » répondent en chœur Marthe et Julie, sourire crispé aux lèvres.

 

L’organisation est impeccable, chacune y a mis du sien. Marthe et Julie ont installé des tables recouvertes d’une nappe en papier fleuri, des assiettes et des verres en plastique. Lucie s’est occupée des boissons. Chacune a fait de son mieux pour que la fête soit réussie.

 

Ça n’est pas vraiment la chaude ambiance. On sent les tensions monter entre les soi-disant amies : sourires moqueurs, clins d’œil de connivence. Sophie et Valérie font bande à part. Elles se font apostropher par « Le chœur des Anges ».

 

Mais, soudain, un coup de vent opportun vient mettre tout le monde d’accord en balayant assiettes, gobelets, bouteilles, mettant fin à ces minauderies hypocrites. 

 

Hélas, ce n’était que les prémices à la catastrophe  qui allait suivre, puisqu’une dizaine de pompiers en uniforme envahissent la salle en hurlant des chansons de corps de garde et riant très fort.

 

Les pauvres choristes en sont tout effarées ! Si elles s’étaient attendues à ça ! Mais l’irruption ne s’arrête pas là. Sortant un vieux transistor venu de Dieu sait où, et branché sur Radio Nostalgie, le capitaine des pompiers invite Sophie à danser, imité peu après par ses camarades.

 

Joyeuse après-midi dansante. Pas très protocolaire, certes, mais après avoir appris que les pompiers ici présents forment eux aussi une chorale et répètent juste à côté (ce qui leur a donné l’idée, n’est-ce pas), le Chœur des Anges, pour une fois unanime, décide de les suivre à la guinguette du bord de l’Orb pour finir la soirée.

 

Avec l’heure qui avance, l’air se rafraichit, et la guinguette au bord de l’eau se trouve bien ventilée. Une piste en planches toute neuve attend les invités. Des chaises sont disposées tout autour pour ceux qui sont fatigués ou ont tout simplement envie de se poser, un verre de vin frais à la main pour se désaltérer. Du bon vin de ces vignes biterroises, gouleyant à souhait, et toujours apprécié. Et puis, au lieu des chants de chorale, voilà que s’élève une musique sortie d’un magnétophone, et qu’on appelle populaire. Les groupes sentent aussitôt des fourmis dans leurs jambes et, le tonus retrouvé, les voilà repartis pour festoyer jusque tard dans cette nuit chaude. Les couples se forment, et dans les exclamations portées loin dans la nuit, la fête bat son plein dans une joyeuse cacophonie.

 

Demain, le lever sera sûrement douloureux !!

 

                                    FIN

 

Mouty    Gill       Dedou         El Pé        Rina

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à suivre.....