Trouvons l’inspiration dans le titre

 

Choisir un livre et relever la première phrase.

En 20 minutes écrire un texte commençant par cette phrase et ayant un rapport avec le titre du livre.

 

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Bel Ami  (Maupassant)

 

 

 

 

 

 

 

Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.

 

   C’était sa dernière pièce. Tout ce qui restait de sa fortune, si conséquente pourtant autrefois. Autrefois ? Ca ne faisait pas si longtemps après tout ! Même s’il lui semblait qu’un demi-siècle s’était écoulé…depuis sa rencontre avec Lison.

 

 Pas rancunier pour deux sous, Georges sourit à l’évocation de ce nom tant chéri. Encore aujourd’hui. En dépit de tout…

 

Lison ! Un minois malicieux, des yeux noisette brillants de gaité sous une masse de cheveux blonds dont la frisure, serrée, ne devait rien au fer ! Et une bouche…à croquer ! Et une taille…à enlacer ! Et des jambes…interminables…à caresser…interminablement ! Et juste au bas du dos, ces deux petites fossettes, clignant de l’œil, mutines ! Et ce rire de clochettes ! Et cette voix, vestige de l’enfance, qui lui pénétrait le cœur comme un rayon de soleil lorsqu’elle prononçait ce délicieux : « Bel Ami, Bel Ami ». C’était le petit nom qu’elle lui avait donné dès le premier jour. Il l’avait tout de suite adoré.

 

    Evidemment, il se doutait bien que le « bel » était nettement exagéré, mais c’était tellement affectueux, tellement attendrissant !

 

     AH Lison ! Lison ! Avec ce geste bien à elle de glisser sa menotte, dans la poche de sa redingote, juste pour se réchauffer les doigts ! Avec sa façon désarmante de lui ébouriffer les  quelques cheveux qui lui restaient sur la tête, lorsqu’il  refusait-rarement- d’accéder à un caprice ! Ou encore quand elle venait se pelotonner, comme une chatte, sur ses genoux, pendant qu’il lisait son journal ! Les moments qu’il préférait, plus encore que ceux offerts par la passion ! Lison chérie !

 

     Seulement Lison chérie n’était pas, à proprement parler, disons…désintéressée. Elle avait certes beaucoup de qualités, mais pas celle-là. Aussi, à forces de bijoux, de parfums, de fourrures, de voyages et  de palaces, la fortune léguée par trois générations d’industrieux Duroy s’était évaporée, comme rosée du matin.

 

Il avait essayé de lui cacher la vérité, le plus longtemps possible jusqu’au jour où… rentrant d’une courte absence, il avait trouvé l’appartement vide, et l’oiseau de paradis envolé. Avec ses malles. Ne lui laissant que des souvenirs.

 

   Mais quels souvenirs ! Et Georges sourit.

 

Il sourit encore en déposant dans la main tendue d’un mendiant la monnaie rendue par la caissière.

 

 Voilà, il n’avait plus rien mais il ne se demanda pas pour autant ce qu’il allait faire, dans les minutes suivantes. Il trouverait bien. Il irait où le mèneraient ses pas. Peut-être vers la Seine. Peut-être ailleurs.

 

                             El Pé

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Le blé en herbe    (Colette)

 

 

 

 

 

 

 

« Tu vas à la pêche Vinca ? » Ça m’agace, ça m’agace ! Je n’apprécie pas du tout cet humour censé me dérider. D’abord ce surnom ridicule, ensuite la pêche que je déteste et puis le « tu vas, point d’interrogation ». Aller où, clouée comme je le suis sur ce fauteuil, dans  cette horrible campagne où je n’ai rien d’autre à faire que de regarder pousser les blés. En effet, la fenêtre de mon boudoir donne sur le champ du métayer, le père Griot. En attendant ma guérison, j’aurai le temps de suivre toutes les étapes de cette culture jusqu’aux beaux épis blonds et vigoureux qui frémiront doucement sous le vent avant d’être coupés. Mais voilà que je me mets à avoir l’âme poétique en face de cette nature, je dois être en pleine dépression !

 

Je contemple avec désespoir ma jambe emprisonnée dans cette énorme gangue de plâtre, de l’aine aux orteils, pour trois mois au moins a dit, d’un air docte, l’éminent homme de la faculté. Pourra-t-on un jour inventer plus léger que cette horrible contention ? Malheureusement, aujourd’hui, à l’aube du XXème siècle, il n’y a pas d’autre choix. Mon os, rompu en deux endroits après une chute dans le grand escalier de l’Opéra a besoin de tout ce temps pour redevenir solide. Heureusement que cet accident s’est produit lorsque nous partions, j’ai au moins pu voir le magnifique spectacle du Lac des Cygnes ; ma soirée n’a pas été totalement perdue !

 

Mais j’ai dû quitter Paris car Edouard n’a pas voulu que je passe ma convalescence dans notre hôtel particulier, il a insisté pour que je m’installe dans notre folie de Touraine. « Au moins tu auras le parc pour te promener et je te rejoindrai à chaque fin de semaine » a-t-il dit.

 

En attendant, j’ai surtout les blés comme compagnie, les blés à perte de vue et j’ai beau broder, lire, écrire, je m’ennuie et je ne peux m’empêcher de rêver aux soirées, bals et fêtes qui se déroulent à Paris, sans moi.

 

Gill

                                                                            

 

 

Le désert des tartares  ( Dino Buzzati )

 

 

 

 

 

 

Ce fut un matin de septembre

 

Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d’être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation.

 

Il ajusta son col et sa cravate, joignit ses talons et se mira dans la psyché du corridor, le képi sous le bras, posé par la suite sur sa tête redressée comme une médaille olympique. Visiblement, il était satisfait de l’image renvoyée par son miroir. Il avait fière allure. Avant de partir, il alla glaner les compliments de sa grand-mère, veuve d’un ex officier. La lueur d’admiration qu’il vit dans ses yeux lui mit un tel baume au cœur qu’il tourna les talons en les claquant et partit allègrement au pas cadencé.

Il monta dans la berline - avec chauffeur bien sûr - et s’appuya avec délice sur le dossier capitonné.

 

En route pour le fort Bastiani. Perché sur un piton vertigineux, celui-ci dominait des lieues de croupes et de vallons, à deux heures de toute habitation, donc de vie humaine. Un chemin aussi cahoteux devait bien mener au paradis. Il arriva devant le pont-levis où le guetteur de service le salua cérémonieusement. La berline passa sous la herse pour entrer dans une cour plutôt inhospitalière. Pierres sombres : le médiéval n’est pas toujours très gai. Grisaille du ciel au-dessus.

 

Giovanni Drogo fut conduit par un aide de camp vers le mess des officiers dans lequel était attablée une vingtaine d’hommes. Plutôt calmes ces militaires : c’était l’élite. Un salut officiel et Giovanni fut invité à prendre place. Le reps ne pouvait encore être servi, le fourgon de livraison des aliments de base étant tombé en panne à une dizaine de kilomètres. Le réfrigérateur ne contenait pas grand-chose. Quant au congélateur, c’était le néant dans l’attente de l’approvisionnement mensuel : tout était épuisé, y compris le rayon steaks. Le cuisinier s’écria : Rien et moins que rien ! C’est le désert des tartares !

 

Mouty

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