Naître...en ce moment

 

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Naître en ce moment

 

 

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Image par Alexandra_Koch de Pixabay2

 

 

         Enfin, me voilà sorti du ventre maternel. J’ai poussé mon cri primal, tout le monde était content.

Bizarre, rien n’est pareil à ce que j’attendais.

Ma mère lisait à haute voix des livres de Dolto, roucoulait des berceuses, parlait de baptêmes fastueux, de liesses familiales. Je l’écoutais, ses paroles se gravaient en ma mémoire.

Je suis seul dans le silence, entourés de visages masqués, des mains gantées me manipulent, on parle sans cesse de virus, de contagion.

Est-ce que ce sont mes parents qui pleurent derrière la vitre ? Pas de bisous, pas de sourires.

J’aurais dû attendre neuf mois de plus pour ouvrir les yeux. Mais j’existe, qu’on se le dise ! Je vais brailler, hurler pour le prouver.

         Arrière covid, vive la vie !

    Line

 

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                      Naitre en 2021 n’est pas une mince affaire. D’ailleurs, « naitre » tout court ne l’est déjà pas. Bien sûr, vous tous qui êtes nés il y a des dizaines d’années avez oublié, mais pas nous.

C’est drôlement impressionnant, je dirais même traumatisant. Pensez donc ! Être chassé (il n’y a pas d’autre terme) sans ménagement d’un lieu où tout n’était qu’amour, délices et tiédeur…pour se retrouver après moult brutalités dans un univers inconnu, froid, hurlant…hostile en un mot ! C’est dire si l’on aurait besoin d’être rassurés, embrassés, cajolés ! Mais ça justement, en 21, ce n’est pas possible.

  Tout est enveloppé, ganté, masqué, aseptisé. Pas de contacts humains. Sauf avec Maman, et encore…

Certes, nous naissons aveugles comme les petits chats, et comme eux, nous le demeurons un moment, mais cela ne nous empêche pas de percevoir ce qui se passe autour de nous. Et ensuite ?  Ensuite, c’est pire. Quand on ouvre les yeux, on ne voit partout que des yeux. Un vrai film d’horreur. D’autant que dans ces yeux, la peur est toujours présente, tapie comme un rat dans son terrier. Une menace plane, invisible mais oh combien réelle : attente d’une catastrophe qui avance. Une catastrophe qui, cependant, aurait pu être évitée car créée par l’indifférence et la cupidité, et dont les remèdes demeurent incertains, voire provisoires. Voyons,  c’est avec cela que vous nous demandez de vivre ?

Et bien nous acceptons, nous la classe 21, car confusément nous savons que dans vingt ans, nous aurons changé le monde.

El Pé

 

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 Emma reposait dans son berceau, repue après la dernière tétée de la  soirée. Petite poupée de trois jours, bien sage, une chance pour sa maman, qui fatiguée, dormait déjà à poings fermés. En la regardant, si paisible, je songeais : quel sera son futur ? est-ce vraiment une chance de voir le jour dans ce monde si tourmenté ? sera- t- elle heureuse ? Pourra- t-elle avoir une vie pleine de surprises et d'aventures ? Restera-t-il encore des lieux magiques et immaculés ? Restera-t-il des animaux sauvages ailleurs que dans les vidéos sous -titrées " en danger " ou "disparus "  ou  dans les zoos ?  Sera-t- elle comme ses parents, curieuse de découvrir des paysages inconnus ?  La technologie évoluera tellement qu'elle pourra avec des gestes simples et les logarithmes se traiter elle - même en se branchant sur l'ordinateur commun de la maison et ce depuis son plus jeune âge, sa maman ne sera plus derrière elle et elle sera très vite indépendante.

La chance aussi d'être une femme en cette période, est qu'elle sera maîtresse de son destin, libre de vivre comme elle l'entend, et avec la découverte de l'espace lointain, peut-être qu'elle pourra être propulsée vers Mars ou autres planètes ?  Qui sait ?  Elle sera tout de suite au courant comment sauver l'environnement et le fera comme une habitude, chez elle il n'y aura que le nécessaire, car elle vivra en  groupe et partagera tout le confort, voiture, espace, tout sera automatisé partout, et cela favorisera un gain de temps, pour se consacrer à plus de loisirs culturels et sportifs, et à sa famille si elle choisit d'en créer une.

 

Je pense que c'est une chance de naître en ce moment, les femmes sont considérées d'égal à égal avec les hommes, et cela suivra aussi dans d'autres pays, avec le temps.

Emma, nous te demandons pardon de te laisser encore tant de travail et de lutte pour accomplir, ce que nous réalisons maintenant, a été si dévastateur et injuste pour tout notre monde. Tu va pouvoir reprendre le flambeau et mener à bien tout ce qui est entrepris pour sauver ce petit paradis qui s'appelle "la Terre" et transmettre à tes enfants les valeurs, que nous avons piétinées tout au long de ces années, dictées par notre avidité , égoïsme, ignorance , tu es le futur de la planète Emma, longue vie à Toi !

Les yeux rieurs, Emma pris déjà son pouce, se rendormit paisiblement. 

 

Je quittai la chambre sur la pointe des pieds, comme je quitterai un jour ce monde pensant à mes cinq petits enfants.

 

Christine

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-430 av. J.-C., la peste d’Athènes sévit, Brunehilde est enceinte de son premier enfant. Va-t-il survivre, et elle, sera-t-elle là pour l’accompagner ?

An 1350, en pleine peste noire, Célestine attend son cinquième enfant. Sera-t-il épargné par l’épidémie, ou anéantira-t-elle tout le monde ?

Année 1832, le choléra est à l’état pandémique. Eugénie est angoissée. Comment protégera-t-elle l’enfant qui va naître dans quelques jours ?

Année 1919. La grippe espagnole fait des ravages depuis un an. Marie-Jeanne attend son sixième enfant. Si elle avait pu, elle ne l’aurait pas conçu, mais maintenant qu’il est là, comment le mettre au monde dans la sérénité ?

Année 1956, la grippe asiatique tue. Simone a espéré pendant des années l’enfant qu’elle porte. Si elle est contaminée et emportée par la maladie, qui l’élèvera ?

Année 1982, Sylvie sait que son enfant fera partie de la génération Sida. L’insouciance aura disparu, l’amour sera différent. Elle n’aurait pas voulu cela pour lui.

Année 2021, Sophie est dans la salle d’attente du cabinet de gynécologie, enceinte de son deuxième enfant. C’est la dernière visite prénatale. Une dame aux chevaux blancs, les yeux bienveillants, lui demande, le sourire aux lèvres : 

«  –  c’est pour quand ? 

   Dans un mois, mais je me demande si c’est le bon moment pour mettre un enfant au monde avec ce virus inconnu qui sévit depuis un an et tue tant de gens. Quel monde avons-nous à leur offrir ? des visages masqués, de l’inquiétude, du lien familial et social brisé, un avenir incertain. Quand son frère est né, il y a quatre ans, je ne me posais pas toutes ces questions, j’étais simplement submergée d’une joie insouciante, mais là….

   Allons, allons, petite madame, soyez optimiste et croyez en la jeunesse. Elle sait se défendre, s’adapter, avancer. La jeunesse ose tout, peut tout. Ayez confiance, vos enfants changeront le monde et le sauveront. »

Cette gentille dame a rasséréné Sophie qui se dit qu’elle est trop pessimiste et que c’est mauvais pour son enfant. Et c’est avec l’esprit plus léger qu’elle entre dans le cabinet.

 

Brunehilde, Célestine, Marie-Jeanne, Eugénie, Simone, Sylvie, malgré les grandes épidémies, malgré les bactéries et les virus qu’ils ont dû affronter, vos descendants sont toujours là et bientôt, Sophie mettra au monde une nouvelle vie.

Gill

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Image par Prawny de Pixabay