Chacun sa madeleine de Proust

 

Chacun a ses petites madeleines de Proust

 

 Odeur    parfum    goût    musique

 

évocatrices de souvenirs

 

Pouvez-vous nous faire partager l'une d'entr'elles ?

 

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Image par FelixMittermeier de Pixabay

 

 

«  EVOCATION ». Un des plus jolis mots de la langue française que je connaisse. Un mot grâce auquel, à peine prononcé, l’envol vers ailleurs est assuré. Et lorsqu’il est associé à une sensation déclencheuse de souvenirs : décollement immédiat vers un moment précis du passé. Bref, pour dire les choses autrement, les « Madeleines » (oui, depuis Proust on les appelle comme ça, je n’y peux rien) constituent, à ce jour, de super machines à voyager dans le temps…E=MC2 n’ayant toujours pas trouvé d’applications pratiques.

   Ainsi, lorsque la vie moderne, avec ses diableries numériques et son sabir franglais pseudo branché me pèse trop sévèrement, il me suffit de pénétrer dans un quelconque Jardiland, ou assimilé. Aussitôt, portée par le parfum exhalé par des centaines de fleurs je me retrouve…

…Dans le champ de Monsieur Ambrosino. Vous ne le connaissez pas ? Normal. Parce que je ne vous ai pas encore précisé que sur le tableau de mon véhicule immatériel s’est automatiquement inscrit : Dernier dimanche de Mai 1957 ; et que Monsieur Ambrosino était alors, comme il le resta jusqu’à la fin de sa vie, fleuriste de son état. Un fleuriste très volumineux- son envergure ne manquait jamais de fortement m’impressionner- doté d’une petite voix toute fluette et d’une gentillesse sans bornes.

     Le champ de fleurs s’étend à perte de vue et ses multiples effluves m’enivrent un peu. Aidés en cela par un soleil de Mai déjà chaud en Oranie et du bruissement de milliers d’abeilles, parfaitement inoffensives au demeurant grâce à la présence rassurante de notre guide, armé d’un sécateur. Mon père m’accompagne  aussi. Il me regarde en souriant tandis que notre trio s’avance dans les allées embaumées. Il faut dire qu’il m’a chargée d’une lourde responsabilité : Composer le bouquet que nous offrirons tout à l’heure à Maman pour la Fête des Mères… Je sais déjà qu’il sera plus gros que moi et je sens que je vais exploser de bonheur.

    Voilà. Juste un moment de pure félicité, offert gracieusement par Jardiland (et assimilés). Et que j’ai eu le plaisir de partager avec vous…avant qu’il soit emporté par le vent.

 El Pé

 

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Image par Genevieve Belcher de Pixabay

 

 

Comme une madeleine de Proust

Je venais d’avoir six ans.

Cette année-là a été la plus belle année de mon enfance

Je venais d’entrer au cours préparatoire de l’école publique de mon village et j’apprenais à lire, à écrire et à résoudre quelques énigmes mathématiques de base.

J’étais attentif et heureux.

Mes parents, occupés ailleurs, m’avaient laissé sous la garde et la surveillance de mes arrière-grand-mères paternelles, Marie et Anastasie.

Elles avaient des caractères bien trempés, différents mais complémentaires, ce qui leur permettait de vivre en harmonie. Jamais le moindre heurt .A la maison régnait une atmosphère de paix et de tranquillité que nous enviaient les voisins.

J’étais heureux, mais je ne savais pas que l’année suivante ,on allait me voler à jamais mon enfance .

J’allais, en effet, me retrouver interne dans un collège, unique pensionnaire des classes primaires, me heurtant, trop jeune aux dures épreuves de la vie au sein d’une collectivité disjonctée (le collège accueillait le ramassis d’élèves indésirables dans d’autres établissements, pas la crème) et aux conduites aberrantes de l’administration.

Cette année de mes six ans représente pour moi, avant les dures épreuves qui m’étaient promises, un oasis de bonheur, de tranquillité, d’amour et de plaisir.

J’ai aimé mes arrière-grands-mères d’un amour filial sans borne, et elles me le rendaient bien m’entourant de leur gentillesse et de leur prévenance.

Excellentes cuisinières, comme à l’époque toute les femmes de la campagne, elles se débrouillaient toujours pour concocter un de ces petits plats à se lécher les doigts, ou à élaborer un dessert comblant ma gourmandise. Elles avaient inventé ou reçu dans l’héritage familial, la recette d’une pâtisserie qu’elles appelaient « La mica del mitàn » (La miette du milieu) et qui ressemble à une tarte aux pommes revisitée. Imaginez une pâte à tarte sur laquelle on étale une compote de pommes légèrement sucrée et dans laquelle on incorpore de noix concassées (les « miettes du milieu »).

Je suis resté très longtemps sans en manger.

Comme je vous l’ai laissé entendre, l’année suivant celle de mes 6 ans, je me suis retrouvé esseulé dans un environnement hostile et difficile. J’ai commencé par perdre une de mes aïeules aimées, puis l’autre sans pouvoir les assister, tout allait de mal en pis.

Lorsque je regarde derrière moi, je me rends compte qu’on m’a volé mon enfance.

Un jour, évoquant tous ces souvenirs, m’est venue l’idée de refaire la recette de «  la Mica del mitàn ». Elle est facile et se réussit aisément.

C’est en la sortant du four que, respirant son odeur de pomme cuite légèrement caramélisée, puis goûtant ce mariage réussi du fruit et de la noix accompagné du croustillant de la pâte brisée, j’ai compris que mes sens stimulés me projetaient des années en arrière et que, comme les madeleines de monsieur Proust, il faut peu de chose pour retrouver les clefs d’un bonheur révolu.

Jean-Pierre

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Image par Martin Winkler de Pixabay

 

 

Parfum….

 

Son nom, parfum d’ambiance « senteurs océanes ».

 A peine l’ai-je ouvert qu’une bouffée d’air iodé envahit mes narines, instantanément évocatrice d’un jour de vacances d’été dans les Côtes du Nord* au bord de l’Atlantique.  J’y suis, toute petite fille, entre mes deux sœurs, protection rapprochée de mes trois ans. La plage de sable fin est immense à marée basse et presque déserte. Pas de touristes bruyants à cette époque. Devant moi, la mer, à perte de vue, qui me parait si loin. Je trépigne d’excitation entre mes deux anges gardiens et court  aussi vite que je peux. Le vent me cingle le visage, rougit mes joues et fait voler mes cheveux fins. Je pleurerai, tout à l’heure, pour les démêler. Mes petits pieds impriment sur le sable humide leur marque éphémère qu’une vaguelette vient immédiatement effacer avant de se retirer pour venir de nouveau mourir sur mes orteils. C’est froid ! je ris en sautillant, me dégage des mains attentionnées, me retourne et me précipite vers les rochers, vers mes parents, mon refuge.

Avec mes cousins et cousines, et quelques gamins amis, c’est maintenant la pêche aux coquillages entre les goémons. Je vais remplir mon petit panier et le rapporter, triomphante, à ma grand-mère.

Vient alors l’heure de rentrer. Je suis fatiguée par l’air marin, et c’est sur les épaules de mon père, un peu somnolente, que je rejoins la maison familiale.

Ce soir, je vais m’endormir, enveloppée de ce bonheur d’un jour, de ce bonheur de la petite enfance qu’on voudrait voir durer toujours et qui va laisser, au plus profond de mon être, sinon des souvenirs précis, des odeurs, des sons, des images, des sensations indélébiles.

Gill

*actuellement Côtes d’Armor

 

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Image par MIKELANGE de Pixabay

 

 

       Quand je tiens un livre, parfois, je caresse la reliure. Mes doigts glissent sur les pages, mes yeux apprécient les caractères, je sens l’odeur du papier, de l’encre, je ne lis pas.

     Je revois les soirs d’hiver de mon enfance.

Dans la cuisine bien chaude, ma mère, sur la table carrée, prépare la classe du lendemain. Mon frère fait ses devoirs. Je feuillette un catalogue dont je découpe les images, j’essaie d’attraper le gros dico de mon frère. Il s’appelle Gaffiot, il n’est pas l’ami de mon frère. Je saisis un crayon, je gribouille ce livre. Ma mère me gronde, je pleurniche. Mon père rouspète, mes petites plaintes troublent sa lecture du journal.

   Dans sa caisse, la vieille Bobby soupire d’aise en dormant.  La soupe mijote à bas-bruit sur la cuisinière à la grille rougeoyante.

Il fait bon. Rien de mauvais ne peut nous atteindre, même si, dehors, le vent hurle, le tonnerre gronde, la porte de la rue grince.

    Pourquoi ce temps n’est plus, pourquoi m’ont-ils laissée seule ?

   Line

 

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Image par kinkate de Pixabay

 

 

Sublimer la douleur

Depuis longtemps je pratique la course à pied. Depuis je me suis perdu comme les chemins que j’emprunte parfois et ma mémoire ne saurait raconter toutes mes pratiques ni remonter à mes débuts, cependant je veux vous faire toucher du doigt certaines de mes émotions.

 

Courir est un effort total d’un corps en souffrance jusqu’à la désunion du corps et de l’esprit, jusqu’à perdre la tête de vouloir s’imposer des efforts tellement violents qu’on appelle cela la petite mort.

Mais si d’aventure, vous sentez quelques secondes cette douce vague qui remonte parfois de vos muscles et vous procure une sensation de force comme une bouffée de plaisir, quand le corps et l’esprit se mettent à l’unisson, que l’un décide quand l’autre exécute en silence, que vos pieds ressentent le terrain et que la poussée qu’ils exercent devient charnelle, que le bruit qui habite votre tête est devenu silence...alors vous avez succombé au plaisir de maîtriser cet effort, une jouissance à nulle autre pareille. Une minute de vérité pure, absolue.

 

Demain encore je courrai et renaîtrai peut être de mes cendres...

Michel

 

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Par Romary, CC BY-SA 3.0, Lien

 

 

LA BRANDADE DE MORUE

 

Nous sommes au restaurant avec mon mari et sur le menu je lis : -plat du jour «brandade de morue ».

Une douce odeur d’antan remonte vers moi, tant de souvenirs agréables de repas de famille avec ma grand-mère, mes oncles et tantes, mes cousines, mon seul cousin. Je me rappelle la morue qui trempait dans une grande bassine pour la faire dessaler pendant une journée entière au rez de chaussée. Maintenant on trouve la morue préparée sous vide et prête à être cuisinée dans les commerces, ce n’est pas pareil. Dans mon souvenir, des effluves alléchantes montaient du gros faitout et des casseroles glougloutantes sur la grosse cuisinière en fonte noire alimentée au bois. Après la cuisson des pommes de terre, c’était le moulin à légumes qui apparaissait pour préparer la purée… cet instrument à toujours fasciné les enfants. Et c’était des chamailleries pour savoir qui commencerait à tourner la poignée. Ensuite l’ajout du lait chaud petit à petit, c’était la plus âgée des cousines qui en avait la responsabilité. Quand tout était prêt, la table était dressée avec une belle nappe et des serviettes brodées aussi grandes que des taies d’oreiller (on a souvent maintenant des serviettes en papier). Il fallait s’installer, les adultes ensemble et les petits en bout de table. Mais je savais que quoiqu’il arrive, je me retrouverais toujours avec plaisir à côté de mon tonton préféré qui m’amusait tant.  Cette brandade avait une texture onctueuse et un goût tellement agréable et elle était accompagnée de tellement de joies et de rires. Jamais je n’ai retrouvé la même saveur au restaurant ou dans le commerce. Ce repas se terminait toujours par le même dessert que l’on réclamait à ma chère tante «des îles flottantes et de la crème anglaise». Quand j’y pense, je vois des bulles irisées roses et bleues enfermant un petit moment de bonheur si beau où nous étions tous ensemble. Beaucoup sont partis depuis longtemps et ils me manquent.

 

Marie-Christine 

 

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Image par Thanks for your Like • donations welcome de Pixabay

 

 

Ma Madeleine de Proust

C’est l’odeur du foin coupé. À cette idée, je ferme les yeux, je me laisse emporter par cette vague de souvenirs lointains. Pendant quelques minutes, le temps s’arrête, je redeviens petite fille.

Un long chemin menait à notre vieille ferme entourée de champs de blé, de maïs…etc, un petit bois de chênes où nous allions cherche des cèpes. La période de fauchaison me ravissait, toute la famille s’activait, fourche en mains, retournant le foin coupé pour qu’il sèche. Quelle bonne odeur dégageait ce dernier, j’aimais beaucoup, j’y suis toujours sensible. Ensuite venait le moment des meules, puis il fallait rentrer le fourrage avant l’arrivée du mauvais temps. À grandes fourchées, la charrette attelée au joug des bœufs se remplissait, le labeur terminé, tout le monde prenait place autour de la table pour partager un bon repas, bien animé de surcroit.

Louisa

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