Le petit livreur de baguettes 

 

 

 

 

Cette affichette publicitaire est proposée à l’assemblée

Que vous inspire-t-elle ?

Imaginez une histoire et écrivez-là en 20 minutes

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Cette affiche, ce serait comme un Rembrandt inspiré par Zola.

On l’appellera Jules, le jeune cycliste, parce que c’est un prénom drôlement à la mode, au début du XXème siècle.

Jules a quatorze ans, en ce mois de décembre 1910 et, bien qu’issu d’une famille de farouches républicains, il chantonne chemin faisant quelque Noël provençal. La musique est entrainante, surtout accompagnée des indispensables fifres et tambourins, et les paroles, quant à elles, parlent de la vie de tous les jours. Celle que l’on vit ici, à Manosque, et jusqu’à Valence. Après, c’est le Grand Nord.

   Jules se dépêche de livrer cette première fournée de pain. Après, il y en aura deux autres, à expédier avant que ne sonne la cloche de l’école communale. Et ça tous les jours, y compris le dimanche. Mais le garçon ne se plaint pas. Les deux francs quotidiens que lui rapportent ses livraisons commencent à représenter une jolie somme …qui lui sera bien utile, dès l’an prochain, lorsqu’il ira à l’Ecole Normale.  Car Jules veut devenir instituteur. C’est Monsieur Leroux, son maitre d’école, qui lui en a soufflé l’idée, derrière sa grosse moustache. Et Jules a bien l’intention de porter lui aussi la moustache plus tard, comme tout le monde d’ailleurs, quand on appartient à l’Instruction Publique. Sauf les filles, bien entendu, ah ah !

    Ah les filles ! A l’énoncé de ce mot magique, le visage d’Angèle apparait aussitôt. Avec ses yeux noirs espiègles et sa main plutôt leste lorsqu’on essaie de lui arracher un baiser…

     Bien sûr, une fois son diplôme en poche, il mariera l’Angèle, un beau jour d’été.

Et c’est par un beau jour d’été que Jules est tombé, très loin de Manosque, quatre ans plus tard. Il sera parmi les premiers.

El Pé

 

 

 

Fantassin du 48e R I

wikimédia

 

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LE TRIPORTEUR

 

Comme d’habitude Pierre a chargé sur son triporteur les baguettes préparées par son patron pendant la nuit. Il est à peine six heures du matin, il fait nuit, l’air est encore

bien froid en ce début de mars. Pendant son apprentissage il dort au chaud au-dessus du fournil, mais le réveil est toujours difficile.

Comme il aimerait être apprenti ailleurs ! pourquoi pas dans le sud, pourquoi pas dans une grande ville, pourquoi pas à l’étranger !!! Toute sa courte vie il a vécu dans ce petit village, comme il aimerait changer d’horizon !!!

Le voilà parti pour sa tournée quotidienne, deux heures à pédaler dans la nuit et le froid. Il a une vingtaine de kilomètres à parcourir afin de distribuer les baguettes croustillantes du boulanger tout autour du village dans les hameaux voisins.

Or ce matin il a une autre idée en tête …Il se dirige vers le sud, vers la nationale avec son triporteur rempli de bonnes baguettes. Il pédale à toute vitesse en chantant à tue-tête afin de se donner du courage. Les rues sont désertes, la nuit n’a pas l’air de vouloir se retirer. Bientôt Pierre arrive à un embranchement : la nationale !!!  direction le sud, Paris : 265 km. Il continue à toute allure, il fend l’air tout en mordant à pleines dents dans une des baguettes.

A moi la route ! à moi la liberté! à moi le sud !!

Et Pierre roule, roule et roule …

 

Christine

 

pixabay

 

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Jacques est le fils du boulanger de ce petit village de la Beauce. Le pain y est particulièrement succulent, ce qui est normal dans une région qu’on appelle le  grenier de la France, avec du blé et de la farine de premier choix.

Jacques aide son père en livrant les baguettes croustillantes dès le petit matin. A la lueur de l’unique réverbère du coin de la rue, il garnit la panière fixée sur son triporteur et il l’enfourche pour livrer l’auberge, bien connue des voyageurs et toutes les petites maisons disséminées dans la campagne. La moitié du pain est pour l’aubergiste et le reste pour les villageois. La livraison effectuée, Jacques vient servir à la boulangerie, et remplace sa mère.

Ce jour-là, en rentrant, Jacques voit son père qui semble l’attendre, l’air sombre, ce qui l’inquiète. Aurait-il quelque chose à se reprocher ?

« Approche, Jacques. Alors, mon fils, la livraison de l’auberge s’est-elle bien passée ?

–Oui papa, comme d’habitude.

–Tu me prends pour un imbécile ! ce matin, j’ai vu Monsieur Langlois, l’aubergiste, qui m’a dit que c’était bien dommage qu’on ne puisse plus lui livrer de pain à cause de ton entorse  qui t’empêche de conduire le triporteur, et que celui du boulanger de La Treille est bien moins bon. Qu’est-ce que ça veut dire, jacques, où sont passées les baguettes, tonne le boulanger. »

Jacques rougit, pâlit, et dans un souffle avoue. « Depuis un certains temps, il y a des gens très pauvres qui vivent dans des roulottes, dans une sorte de camp à la sortie du village, des étrangers qui viennent de loin je crois parce qu’ils n’étaient pas heureux dans leur pays. Ils tressent de l’osier pour faire des paniers qu’ils essaient de vendre. C’est une des leurs, une jolie jeune fille que j’ai rencontrée, qui m’a raconté tous leurs malheurs. Alors je me suis dit qu’un peu de pain les empêcherait d’avoir trop faim et j’ai raconté à l’aubergiste que je ne pouvais plus le livrer, m’étant blessé, et qu’il se fournisse à La Treille. »

Le père, rouge de colère se calme et réfléchit. Comment tenir rigueur à son fils d’avoir eu un geste charitable,  d’avoir eu du cœur spontanément, il faut plutôt l’aider dans cette bonne action.

Voilà ce qui me vient à l’idée, en contemplant cette ancienne affiche que je viens de trouver en triant des vêtements destinés au camp de migrants de notre ville. A la fin du XIX ème siècle, on n’imaginait pas combien il en faudrait, des gens comme Jacques, pour tendre la main à ceux qui n’auraient plus rien, à ceux qui fuiraient la misère, la guerre, la dictature, aux pauvres gens de toutes sortes que le monde allait fabriquer au cours des siècles. Et ce n’est pas fini !

 

Gill

 

Vincent van Gogh- The Caravans - Gypsy Camp near Arles

wikimédia

 

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