Histoires terrifiantes

 

Racontez votre souvenir le plus terrifiant

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Mh eisenbahnweiche mit handhebel

wikimédia

 

Algérie. Oranie.Sidi-Bel-Abbès. Années 50.

 

    Il fait très chaud. C’est l’été et tout semble surexposé, phénomène coutumier dans le Sud.

 Ce matin, nous sommes partis de bonne heure, à la fraiche, mon père sur la mobylette, mon frère assis derrière et moi pédalant à côté sur ma bicyclette…rouge.

 

Il est comme ça mon père. Contre l’avis de tous et malgré les « évènements », ainsi nommés pudiquement par la presse et la population, il ne résiste pas au plaisir de nous emmener en ballade, mon frère et moi, chaque fois qu’il est en congé. Il adore, et nous aussi, découvrir des petits coins insolites, loin de la civilisation…quant au danger…quel danger ?

 

   Ce matin, après avoir quitté la ville, nous avons roulé longtemps sur un petit chemin de terre longeant une voie ferrée, celle qui relie Alger à Tlemcen, en fait. Il fait de plus en plus chaud, on a faim, on a soif ! Fort heureusement, un bosquet de pins maritimes apparait juste sur notre droite et nous invite à prendre un peu de repos à l’ombre de ses branches…ce que l’on accepte avec joie. Une fois sortis gourde, tartines, barres de chocolat, y avoir fait honneur et Papa bien installé pour une micro sieste réparatrice, nous décidons, enfin JE décide d’aller explorer un peu les alentours. A vrai dire il n’y a pas grand-chose à découvrir : des champs déjà moissonnés à perte de vue et la voie ferrée comme deux coups de ciseaux parallèles tranchant le paysage uniforme. On s’en approche et soudain, Dieu sait pourquoi, il me vient une envie irrésistible de passer d l’autre côté. Pourquoi ? Puisqu’à l’évidence rien de bien intéressant ne nous y attend mais… l’enfance a ses raisons que la raison ne connait pas. Il est vrai qu’à cet endroit précis une sorte de petit passage à niveau en bois a été aménagé pour protéger un jeu d’aiguillages.

 

Est-ce l’évocation d’un gué, surplombant une profonde rivière foisonnant de piranhas ? Sans doute. Toujours est-il qu’après avoir fait signe à mon frère de me suivre, et essuyé de sa part un refus à la fois poli et prudent, je m’élance en courant sur le dit-gué et…CRAC ! Mon pied gauche vient se coincer entre les deux morceaux de rails du premier aiguillage. Et impossible de l’en retirer. Moi, étrangement, je me mets à rire (j’avais alors dix ans) tandis que mon frère, affolé (mais il dramatise toujours, ce gosse) va prévenir mon père. Celui-ci arrive, pressé, pâle et effaré, visiblement tiré de son sommeil pour se retrouver en plein cauchemar. Il va essayer durant un temps qui doit certainement lui sembler très long, de sortir mon pied de ce maudit piège. En vain. La sueur ruisselle sur son visage pendant que je continue à rire comme une andouille. Finalement, en me triturant la cheville dans tous les sens, il y parvient. Et constate avec soulagement qu’il ne l’a même pas cassée.

    Après m’avoir fait jurer dune part de ne plus jamais recommencer, et d’autre part de ne rien dire à Maman, nous prenons le chemin du retour.

 

    Moins de cinq minutes plus tard, nous croisons l’express Alger-Tlemcen lancé à pleine vitesse et le mécanicien, sympa, (et qui d’habitude ne rencontre que des chèvres dans la région), nous envoie un coup de sifflet amical.

 

         C’est alors que je me suis mise à trembler, trembler, trembler, sans pouvoir m’arrêter…

       … Mais cela ne nous a pas empêché de poursuivre nos ballades jusqu’au mois de Juillet 1962…bien sûr.

 

El Pé

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C’était le soir vers 18 heures. Ce n’était plus le jour, ce n’était pas encore la nuit. J’avançais sur le trottoir, au ras des villas neuves avec jardins si bien entretenus qu’on les aurait dit créés par un grand paysagiste. C’est le moment où l’on hâte le pas en pensant au calme de sa maison. La plupart des grilles étaient déjà fermées. Sauf une, celle devant laquelle je passais tranquillement.

 

          Soudain, un chien- loup au poil foncé surgit devant moi, gueule ouverte, dents apparentes, grondant férocement , le poil hérissé. Je n’eus pas le temps de penser au loup du Chaperon Rouge car mon esprit se vida.

 

           Je me figeai, paralysée par la peur, l’horrible peur qui me poussa à hurler : « Au secours ! Au secours !! ».

 

            Une voiture s’arrêta, le chauffeur descendit, brandissant je ne sais trop quoi. Le chien rentra dans le jardin que le propriétaire traversa en courant pour fermer la grille. Je lui criai des injures, les plus grossières que je connaissais. Merci mon frère de me les avoir apprises.

 

            La voiture repartit ; moi aussi, les jambes tremblantes, couverte de sueur.

 

            Je ne suis jamais repassée dans la rue. J’ai peur des chiens, depuis le petit chi-hua-hua enrubanné jusqu’au mastodonte, peut-être inoffensif…

 

             … Mais ça, comment le savoir ?

 

 Line