Un croque-mort pas comme les autres

 

Chacun choisit un mot ou un groupe de mots dans une revue  pour faire une liste commune.

Boutiques éphémères / pâquerettes / voix royale

Se déplacer propre / futur / centre-ville

Un siècle après / drôle de nom

En utilisant cette liste, vous imaginez une scène entre un veuf éploré ou une veuve

et un propriétaire de salon funéraire plutôt excentrique

 

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Appartement Jeanne Lanvin by Armand-Albert Rateau - boudoir 01

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 Salon funéraire

« –Remettez-vous, chère Madame,(dit le directeur des pompes funèbres, bel homme à l’alerte cinquantaine toutefois un peu dégarnie, qui dirigeait depuis plus de vingt ans, en centre ville La « Boutique Ephémère »qui, en dépit de son nom, résistait vaillamment aux asseaux du temps), remettez vous, je vous en prie ! Prenez donc ce siège et laissez-moi vous offrir un petit verre de Cognac, cela vous fera le plus grand bien !

–Oh, merci Monsieur, (répondit dans un sanglot une dame d’un certain âge, « encore » belle  et paraissant jouir d’une confortable aisance financière, qui poursuivit, la voix entrecoupée de larmes) : Mon pauvre, pauvre mari ! On a beau s’y attendre- il était bien plus âgé que moi vous savez- cela fait si mal, quand ça arrive ! (puis enchainant aussitôt)…et tellement de bien, un peu de sympathie, en de telles circonstances !...Mais dîtes –moi : quel drôle de nom avez-vous donné à votre établissement, plutôt surprenant, vu le contexte, non ?

–Ah, chère petite Madame…ne sommes-nous pas nous-mêmes éphémères ? Au regard de l’éternité, j’entends. Et que sera cet établissement, un siècle après celui-ci, quand nous aurons tous disparus ? En fait, que savons-nous du futur ?

–Oh, cher Monsieur, comme vous avez raison de relativiser ! Je me sens déjà mieux, apaisée dirais-je…Ah oui, pendant que j’y pense : prenez-vous en charge la toilette funéraire ?

–Bien entendu, délicieuse petite Madame ! Notre devise n’est-elle pas : « Se déplacer propre  en toutes circonstances ? »

–Comme c’est joliment dit…et…d’une si belle voix de baryton, d’une… voix royale ! Ah Ah Ah, j’ai fait un jeu de mots ! Cela ne m’était pas arrivé depuis si longtemps Monsieur…Monsieur… rappelez-moi donc votre nom… Je suis confuse…

–Pour vous : Georges ma chère, ma chère ?...

–Ah Ah Ah ! Elise, Ah Ah Ah

–Quel rire cristallin, je l’écouterais des journées entières !

–Vous êtes trop gentil, Georges !  Et je ne vous cache pas que votre voix grave me trouble beaucoup !

–C’est vrai ? Oh, je n’ose le croire ! Mais allons poursuivre ailleurs cette charmante discussion, si vous le voulez bien, ma jolie pâquerette… »

Ils se dirigèrent vers un petit salon privé où un profond canapé leur tendait opportunément les bras. Et Monsieur le directeur n’omit certes pas de donner un tour de clé à la porte. Comme il se doit.

 El Pé

 

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Bellis perennis Marburg 02

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Il s’avance, costume gris clair, cravate turquoise, sourire aux lèvres. « Bonjour cher Monsieur, que puis-je pour vous ? »

Entre deux sanglots, monsieur Karmatchandrionocoz expose le but de sa visite, préparer les obsèques de feue sa chère et tendre épouse.

D’emblée, monsieur Caveau – et oui, cela ne s’invente pas – fronce les sourcils à l’énoncé du nom de famille de la défunte.

« –Quel drôle de nom, Karmatchandrionocoz ! je crains que cela ne tienne pas sur nos plaques standards. Écoutez, je m’arrangerai, je rajouterai deux morceaux, à gauche et à droite, mais peut-être pas de la même couleur, je vous préviens.

–Mais…

–cela fera plus original. Ce n’est pas sur tous les cercueils qu’on voit cela. Dans la boutique du centre-ville, mon confrère ne vous le proposera pas. Vous savez, chez lui, tout est d’un triste ! Vous verrez, dans le futur,  de nombreuses options seront possibles et on trouvera même des boutiques éphémères au mois de novembre. Et un siècle après nous, j’imagine avec envie le choix de prestations que mes successeurs pourront offrir. Bon, alors, c’est d’accord Monsieur Karmat…

–Si vous voulez, se force à dire le pauvre veuf, noyé sous ce flot de paroles et ayant bien du mal à avoir les idées claires.

–Les fleurs, maintenant. Des pâquerettes, oui, c’est bien des pâquerettes, c’est gai, et de plus il y en a plein les champs. Vous les cueillerez avant de venir, cela m’arrangera.

–Mais…s’étrangle le pauvre veuf.

–Si si, vous me les apporterez, mais attention, je ne vous demande pas de les mettre en bouquet, je me charge de cela, c’est la moindre des choses et c’est compris dans le prix. Nous ferons quelque chose de riant.

Pour la musique, évidemment, une voix royale. La fille de ma femme de ménage a une très jolie voix, elle ne vous prendra pas cher - la musique n’est pas comprise mais impossible de s’en passer, votre épouse vous le reprocherait - alors, vous ferez une affaire.

Le convoi enfin, bien sûr, à pieds, comme dans le temps, il n’y a que cinq kilomètres, jusqu’à l’église. Cela vous rappellera vos jeunes années, quand vous suiviez le convoi d’un autre avec la défunte. Néanmoins – vous allez rire – j’ai un porteur en arrêt maladie, aussi je suis sûr que vous ne nous refuserez pas de le remplacer.

Et oui, Monsieur Karmatchandri…il faut se déplacer propre, termina monsieur Caveau »

 Puis il tendit à son client éploré le contrat et un stylo, avant de le pousser gaiement et fermement vers la sortie, ne lui laissant aucune chance de répliquer.

Gill

 

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Violletta

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MONSIEUR MOA ET LE CROQUE-MORT

Monsieur Moa est au 36ème dessous, sa chère et tendre épouse vient de passer l’arme à gauche !

Il se traîne avec difficulté au salon funéraire du centre-ville :

« L’AUTRE MONDE »

Monsieur Croquemadame, le propriétaire, l’accueille, l’air compassé :

« Cher Monsieur, que puis-je pour vous ? »

« J’aimerais que vous organisiez l’enterrement de ma femme »

« Comment s’appelait-elle ? » 

« Désirée, Désirée Moa . »

«  Oh ! quel drôle de nom, euh … Excusez-moi. Quel style aimait-elle ? C’est pour le cercueil, voyez-vous ? »

« Elle aimait beaucoup les styles du futur, comme dans les films de science fiction, genre un siècle après.

« Je vois, dit Monsieur Croquemadame en se grattant le menton. Regardez dans ce catalogue, j’ai des modèles en forme de fusée ou d’oeuf translucide. »

«  Oui, j’aime cet oeuf rose, elle sera bien dedans. »

«  Qu’est-ce que je vous propose comme fleurs ? »

«  Des pâquerettes, c’étaient ses fleurs préférées !!! »

« Passons maintenant à la musique. » 

« Oui, oui, bonne idée, je pense qu’une voix royale fera l’affaire: Pavarotti, Placido Domingo ou La Callas. »

«  Bien, quel genre de corbillard désirez-vous ? »

« Un corbillard du futur mais nous devons nous déplacer propre, alors électrique, s’il vous plaît ! »

«  Je peux aussi vous proposer la veille du corps dans une de mes  boutiques éphémères. C’est très à la mode en ce moment !! »

« Non, non, ça ira comme ça !!! » 

«  Bien je pense que nous avons fait le tour de la question.

Voici le contrat, ça fera 8578 euros tout compris ! »

Christine

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