Les différentes formes de l'écrit

 

Du 16 au 24 mars 2019 s’est déroulée la semaine de la langue française et de la francophonie.

Dans ce cadre, l’édition 2019 des « dis-moi dix mots » est consacrée aux différentes formes de l’écrit.

« Dis-moi dix mots sous toutes les formes »

Pour illustrer cette thématique, les dix mots choisis sont

arabesque, composer, coquille, cursif/-ive

gribouillis, logogramme, phylactère

rébus, signe, tracé

L’atelier d’écriture s’associe à cette manifestation  en vous proposant d’écrire un texte en utilisant le maximum ou tous les mots       proposés cette année

 

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     Bonjour, voici les  devoirs de mercredi ! Pas fameux les devoirs !

     Jules : 5 sur 20 ! je ne compte pas les participes passés, les fautes sur les pluriels, etc etc !

     Roger : 2 sur 20 ! un logogramme Roger, et pas un lopogramme ! ce n’est pas le poids d’un polo en verlan ! c’est quand même pas compliqué ! c’est tout simplement comme son nom l’indique, l’alliance au milieu d’un mot d’un graphème, lui même refermant un morphème associé à une synecdoque paradoxale à valeur de métonymie récurrente, ce qui permet à l’écrivain d’utiliser la fonction métalinguistique à référence sinusoïdale en relation avec les métaphores filées employées comme substitut linguistique des considérations spatio-temporelles délibératives. C’est quand même pas compliqué !3 sur 20 !

     Kevin : 3 sur 20 ! merci pour les coquilles innombrables et variées qui parsèment votre « dissertation » si j’ose m’exprimer ainsi ! La lecture cursive de la recherche du temps perdu et des arabesques stylistiques de Marcel Proust n’a pas semblé vous émouvoir ! Pourtant, lorsqu’il a composé cette œuvre, ce n’était au départ que des gribouillis sur des cahiers aux pages desquelles il collait des « paperolles » qui traînaient jusqu’à terre ! Cela aurait du vous inspirer vous qui ne connaissez que les brouillons !

     Charles Antoine : 4 sur 20 : votre devoir est un véritable rébus, je n’ai vraiment pas le temps de le décrypter, je ne sais pas ou vous trouvez ces signes cabalistiques, vous étiez peut être pharaon dans une autre vie !

     Martine : 20 sur 20 : excellent devoir, un véritable  phylactère de citations philosophique avec une écriture  lisible, au tracé harmonieux, un véritable bijou ! Bravo !

     Maintenant prenez une feuille : interro surprise !

 

Louis

 

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La rentrée des classes

 

L’institutrice regardait ses nouveaux élèves en ce jour de rentrée.

Il y en avait de toutes les tailles bien qu’ils aient tous six ans, de toutes les races,

Il y en avait qui parlaient français, d’autres pas.

But de l’année, se disait-elle : ils doivent tous savoir lire et écrire avant fin juin !

Elle avait du pain sur la planche !

Première leçon :

Des gribouillis de toutes les couleurs sur le tableau ou sur de grandes feuilles de papier.

Deuxième leçon :

Résolution de rébus, simples dans un premier temps.

Troisième leçon :

Reconnaissance de logogrammes courants.

Quatrième leçon :

Un grand jeu de piste avec pleins de signes et de logogrammes à déchiffrer.

Cinquième leçon :

Composer une petite phrase si possible sans coquille et l’écrire en cursive juste

pour voir où ils en étaient en motricité fine.

Sixième leçon :

Copier à la peinture de grandes  arabesques au chevalet pour vérifier la précision

de leur  tracé.

Le chemin serait long mais le résultat devrait être à la hauteur de ses espoirs. Peut-être pourrait-elle inciter les enfants à produire une bande dessinée avec quelques phylactères pour la fin de l’année scolaire !!

On ne sait jamais !

Au travail !!!

Christine

 

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Je suis dans un meeting aérien où officie la patrouille de France et je suis bien obligée de dire qu’avec les années j’apprécie de voir  dans le ciel les arabesques formées par les fumées tricolores des réacteurs. Je sais pour en avoir parlé avec certains pilotes qu’ils ont tous, pour conjurer le mauvais sort,  quelques  phylactères cachés  sous  leur

combinaison.

Ils m’ont dit, sans doute vexés par mes réflexions moqueuses sur les gribouillis qu’ils faisaient dans le ciel, avoir passé de nombreuses heures à étudier comment arriver à faire passer des logogrammes  dans le tracé qui leur était imposé, sans se percuter pour autant. J’admirai leur compétence à composer des rébus en cursive, ou même des coquilles et sur un signe du leader disparaître à tire-d’aile loin dans l’horizon.

 

Simone

 

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Comment vous décrire une arabesque?

Impossible de le faire à l'aide d'une écriture cursive sans qu'elle ressemble à un vulgaire gribouillis. Autant présenter un rébus sur un simple phylactère.

Je vous conseille donc de composer en utilisant comme signe, quelques logogrammes.

Jean-Pierre

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Sur ma feuille blanche, quels signes vais-je bien pouvoir utiliser pour composer un poème qui soit, en même temps, agréable à regarder et à écouter ? Il va falloir, d’une belle écriture cursive, faire un tracé net, fin, élégant, afin que l’œil ait envie de laisser place à l’oreille, dans l’espoir de demeurer sous le charme ; Pour décorer, pas de gribouillis modernes, mais de gracieuses arabesques. Et attention aux coquilles ! elles gâcheraient toute la calligraphie.

En haut de page, mon logogramme, que je mettrais sur tous mes écrits : un porte-plume et un encrier noir.

Et pour signer, dans un phylactère, mon nom en rébus. Voilà qui serait original !

Parfait, tout cela demande réflexion, mais c’est une bonne piste.

Gill

 

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Alois Alzheimer 003

wikimédia

 

 

     Extrait du film à sketches « Les enfants d’Aloysius »*

                                                       Produit et réalisé par L P Déger.

La scène se déroule dans le cabinet d’un médecin-conseil de la Sécu. Il vient de faire assoir devant son bureau un couple d’une cinquantaine d’années. Il consulte durant un bon moment un épais dossier étalé devant lui  puis prend la parole :

« Donc, vous vous appelez Robert Vicente, vous avez cinquante deux ans, marié sans enfant, ouvrier typographe et êtes en arrêt de travail depuis maintenant treize mois, n’est-ce-pas ? Corrigez-moi  si je me trompe : d’après l’avis de plusieurs psychiatres, vous souffrez dune maladie dégénérative bien connue mais qui prend chez vous deux aspects insolites : sa relative précocité d’une part et l’aspect très particulier qu’elle revêt chez vous. C’est bien cela, n’est-ce pas, »

        N’obtenant aucune réponse, (Monsieur Vicente, les yeux dans le vague, semble totalement absent) le médecin s’adresse alors à l’épouse de ce dernier :

«- Il m’entend, vous croyez ?

-Oh non, Docteur, il est dans son monde ! 

-Et ça lui arrive souvent ?

-Oh, malheureusement enfin si je puis dire, plusieurs fois par jour. Pour l’en sortir, il faut lui parler très, très fort. Essayez, vous allez voir… »

Le médecin s’adresse alors au patient, en criant à tue-tête :

« -Bonjour Monsieur Vicente ! Je suis médecin, vous m’entendez ?

-Oh, Bonjour Arabesque ! Je suis très coquille de voir un arabesque, un vrai ! Parce que je voudrais cursivement  retrouver mon phylactère vous savez ! J’aime cursivement  mon phylactère ! Quand je vais à la logogramme, les collègues me signent dehors en composant et je ne trace pas pourquoi. C’est à rebus de cet arabesque pour les fous, j’en suis gribouillis.

Oh Monsieur l’arabesque, faites quelque chose ! Je voudrais tant retrouver mon phylactère! »

     Puis, brusquement, Robert Vicente retombe dans son mutisme et son air absent.

Quelque peu interloqué, le médecin - conseil prend le temps de se reprendre. S’adressant à la malheureuse épouse qui essuie furtivement quelques larmes :

« Bon, Je vois. Il faut être courageuse, Madame Vicente. Même si les traitements de cette maladie sont en progrès, il ne serait pas raisonnable d’envisager une amélioration de l’état de votre mari avant de nombreuses, de très nombreuses années, si toutefois la forme particulière de sa pathologie y est accessible !

Je suis désolé et compatis, croyez-moi.

      Aussi vais-je mettre dès aujourd’hui Monsieur Vicente en invalidité totale et permanente, ce qui, au moins, vous soulagera de l’angoisse financière. C’est hélas tout ce que je peux faire pour vous. (Se levant pour raccompagner la dame) Au revoir, Madame Vicente ! Et courage ! »

      Les époux quittent l’immeuble de la Sécu, têtes basses. Sitôt tourné le coin de la rue, Robert Vicente lance sa casquette en l’air en riant aux éclats :

« -On les a eus, on les a eus !

-Oui Robert, tu es très fort !

-Pour sûr ! Je suis bon ! Super bon !

Bon, c’est pas le tout Minou, mais on va se le payer, hein, ce petit voyage dont tu rêves depuis si longtemps ! Que dirais-tu de New York ?

-Oh moi chaton, si ça ne te dérange pas, je préfèrerais commencer par Tahiti…

-Va pour Tahiti…on verra…plus tard…l’Améri… »

   Et leurs voix se fondent dans le lointain.

El Pé

 

*Aloysus  Alzheimer. 1864-1915

 

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