Une aventure de l'Amiral

 

Chacun choisit un métier

 

4 d’entre nous sont volontaires pour choisir

 

                   Le premier                                     un lieu                                   Zanzibar

                   Le second                                       une époque                             La Renaissance

                   Le troisième                                   un personnage                       Olivier de Kersauson

                   Le quatrième                                  une émotion                           la peur

 

Avec ces cinq éléments, écrire un texte

 

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Par Philippe Guglielmetti from Satigny, Switzerland — Alinghi 5, CC BY 2.0,            wikimédia 

 

 

CATA

      Il venait de sortir de St Cyr, et aurait dû rêver d’aventures. Normalement. Toutefois, il choisit de passer tranquillement les trois semaines de permission précédant sa première affectation chez ses parents, à St Malo. Manière de reprendre des forces avant de devenir le héros que tout le monde  (sauf lui) attendait.

     En arrivant, il eut la bonne surprise d’être accueilli par Olivier de Kersauson,  ami de la famille, par ces mots : « Salut Fils ! Content de te revoir parmi nous ! A propos, ça te dirait une petite virée demain matin ? Juste l’occasion de  tirer quelques bordées pour te présenter mon nouveau cata, en longeant le littoral à marée descendante. » Adrien (c’était en effet le nom du jeune homme) accepta volontiers. Pas de sensations fortes à attendre d’un tel voyage. Aussi, les premières lueurs de l’aube, le lendemain, les virent voguant allégrement par un petit vent travers sur l’élégant catamaran d’Olivier.

     Les deux premières heures se passèrent sans histoire. Plutôt ennuyeuses, à vrai dire, lorsque soudain, un énorme brouillard, venu à toute allure du fin fond de l’horizon les enveloppa. Dans la seconde, une énorme tempête se déchaina. Il apparut  aussitôt que le frêle esquif, devenu ingouvernable, proie du vent et des vagues, ne pourrait résister bien longtemps à une telle fureur des éléments. Fort heureusement pour eux et avec un touchant ensemble, les deux hommes perdirent connaissance.

Quand ils revinrent à eux, il faisait nuit et étrangement chaud. Agréablement surpris en constatant que les appareils paraissaient miraculeusement n’avoir point souffert, Kersauson ne fut pas long à faire le point. Il se dépêcha d’en aviser Adrien : «  Je ne sais pas comment ça se fait, Fils, mais je t’annonce que nous voguons actuellement à quelques milles nautiques de Zanzibar, autrement dit, en plein océan Indien. Et autre chose : la radio, elle, est morte .Silence total. Impossible d’établir le moindre contact. »

  Il n’avait pas fini de parler qu’une vingtaine de pirogues surgirent de la nuit, autour d’eux. Curieusement, leurs occupants semblaient tous déguisés en soldats de François 1er. « Non, non, corrigea Adrien- qui avait acquis à St Cyr de solides connaissances en la matière-plutôt des uniformes de marins du temps de Vasco de Gama, Olivier ! Ils doivent tourner un film, par ici. »Un film ? Voire ! En un clin d’œil, les indigènes, manifestement pas très amicaux, s’emparèrent des deux hommes et les conduisirent, ligotés, jusqu’à leur village. A l’entrée duquel gisait un amoncellement d’ossements humains. Kersauson comprit sur le champ, et c’est d’une voix altérée qu’il informa son compagnon, pendant que des hurlements de joie retentissaient autour d’eux : « C’est incroyable mais c’est ainsi, mon pauvre  Adrien. La tempête nous a fait voyager dans le temps et l’espace. Les habits dont sont revêtus ces sauvages, probablement cannibales, sont bien sûr ceux des membres d’une première expédition, envoyée par le roi du Portugal, vers le XVème siècle. Courage, Fils. Ferme les yeux et ne les ouvre plus. »

        Nous aimerions bien vous dire que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve, oublié à la sortie du brouillard et du sommeil ! Oui, nous aimerions. Malheureusement, ce ne fut pas le cas.

El Pé

 

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Image par andreas160578 de Pixabay

 

 

Je suis Olivier de Kersauson. Oui, oui, le célèbre navigateur, autrement surnommé l’Amiral. Il faut que je vous raconte ce qui m’est arrivé lors de mon dernier voyage. Et surtout la rencontre que j’ai faite. Nous étions partis avec quelques amis visiter Zanzibar – entre parenthèses, je ne vous le conseille pas, c’est très surfait cet archipel. Enfin bref, au cours d’une randonnée, mon pied a glissé sur un caillou et je me suis méchamment tordu la cheville. Notre guide m’a alors conseillé un de ses amis kinésithérapeute qui, selon ses dires, faisait des merveilles. Il allait me remettre sur pied en un rien de temps. En plus, il est comme toi, m’avait-il dit, il aime la mer, vous allez vous entendre.

Je suivis donc ses conseils et me retrouvai en fin d’après-midi dans une masure glauque de Zanzibar et je dois dire que je ne me sentais pas très rassuré. Pourtant, j’en ai vu d’autres, vous vous en doutez, j’en ai dompté des coriaces et bravé des tempêtes. Mais là, je ne saurais pas vous expliquer pourquoi, assis dans cette salle d’attente, j’avais comme un mauvais pressentiment. J’étais même prêt à quitter les lieux quand un drôle de petit bonhomme, dans un accoutrement d’un autre âge, vint à ma rencontre. Il me tendit la main et serra vigoureusement la mienne, en se présentant.

- Bonjour, je m’appelle Christophe Colomb.

Si ce n’avait été son air sérieux et cette étrange sensation de crainte qui m’oppressait, je crois que je lui aurais ri au nez. J’allais me présenter à mon tour, mais il m’interrompit.

- Je sais qui tu es. Tu penses bien, depuis plus de cinq cents ans, j’en ai vu passer des navigateurs.

Là, j’éclatais de rire franchement. Ce type allait bientôt me faire croire qu’il venait de Gênes et vivait depuis la Renaissance ! Il se mit à rigoler aussi.

- Désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher, me dit-il. Mais je m’appelle vraiment Christophe Colomb. Entre dans la cabine et installe-toi. Je vais examiner cette cheville. Je suis kiné avant tout !

Il tritura ma cheville dans tous les sens, en marmonnant quelques mots en italien. Cela me sembla étrange, mais je m’abstins de tout commentaire.

- Voilà, me dit-il après de longues minutes de manipulation. Tout est en place. Tu peux te rhabiller, je t’attends dans la pièce à côté.

Quand je sortis de la cabine, il semblait avoir disparu, tout comme mon mal à la cheville d’ailleurs. Soudain, un individu arriva au pas de course, en me disant, tout essoufflé :

- Bonjour, désolé d’être en retard. Votre guide m’a prévenu que vous aviez chuté. Passons en cabine, je vais examiner cela.

- Mais, où est Christophe Colomb ?

- Qui ? répondit-il en écarquillant les yeux.

- Eh bien le kiné, Christophe Colomb, celui qui vient de me manipuler.

Perplexe, il me regarda et me répondit, à la fois hésitant et gêné :

- Mais, monsieur de Kersauson, votre guide ne m’a pas prévenu que vous vous étiez aussi cogné la tête. Il vous faut voir un médecin de toute urgence !

Pris de panique, je m’enfuis en courant. Vous me croirez ou pas, mais Christophe Colomb a soigné ma cheville. Quant à moi, j’étais sûr de deux choses : ma cheville ne me faisait plus mal et je ne remettrai jamais les pieds à Zanzibar.

Fabienne

 

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Auteur : Taguelmoust      CC BY-SA 3.0,   wikimédia

 

 

ZANZIBAR ET O. DE KERSAUSON

        

         Nicolas harassé entra dans son appartement qu’il avait quitté 5 mois auparavant. Personne ne l’attendait, il le savait Julie était partie définitivement. Elle ne supportait plus ses absences prolongées. Il était militaire de carrière, Commandant dans l’Armée de terre, ce métier exigeait des absences et des sacrifices mais elle n’était pas assez amoureuse pour l’attendre certainement. Il arrivait d’une mission réussie au Mali. Il aimait l’Afrique, les terres rouges et colorées, les sables du désert et ses étendues sans fin. Il avait assuré avec ses hommes le ravitaillement et les évacuations sanitaires avec de gros porteurs en partenariat avec la Croix Rouge et l’Unicef. C’était un travail harassant et dangereux, il avait parfois la peur au ventre. La peur des attaques terroristes, des mines disséminées sur le terrain, la peur sournoise des embuscades meurtrières des rebelles secondés par des mercenaires venus de Zanzibar. Mais que venaient faire ces mercenaires si loin de l’Océan Indien et de leur archipel d’îles entouré d’eau dans le désert Malien ? De toute manière, l’eau n’était pas son élément de prédilection, nager oui, un peu de paddle ou de canoé en rivière avec les copains c’était suffisant. Il n’aurait pas pu accompagner Olivier de Kersauson dit l’Amiral dans ses courses transatlantiques, Vendée des Globes, Route du Rhum… à lutter contre des vagues géantes et des tempêtes furieuses… Hélas il n’avait pas le pied marin. Nicolas pensa alors aux grands navigateurs de la Renaissance qui partaient à l’aventure pensant que la terre était plate. Christophe Collomb, Vasco de Gama, Jacques Cartier et les autres qui rêvaient de richesses, d’Eldorado et de nouvelles colonies dociles et rentables à asservir. Pour le moment, il souhaitait prendre une douche et dormir 8 heures d’affilée, il était crevé par le décalage horaire. Surtout dormir sans être réveillé 3 fois dans la nuit par un soldat dans l’urgence… Il partirait dans quelques jours rendre visite à la campagne à ses parents et faire connaissance du nouveau-né de sa sœur puis jouer avec ses petits neveux tout simplement.

        

         M-Christine

 

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Par El Funcionario     CC BY-SA 3.0,    wikimédia

 

 

Le cauchemar de l’Amiral

1er jour

« Monsieur de Kersauson ! Olivier ! réveillez-vous ! je suis la kiné du service. Je vais vous mobiliser les bras et les jambes et je vais vous apprendre à accompagner le respirateur auquel vous êtes branché. Alors, vous êtes avec moi ? »

Un battement de paupières, un serrement de main, il est présent. Pas facile de communiquer quand on est à l’horizontal, intubé, ventilé, perfusé et que la vue se résume à un morceau de plafond et à des visages multiples défilant au dessus du nôtre au fur et à mesure de la journée. Alors, aujourd’hui, c’est moi qui parle, qui lui raconte qu’il s’est fait renverser par une voiture rue de Siam, et qu’il est en réanimation.

La séance se passe très bien. J’espère qu’il pourra être sevré du respirateur rapidement.

« À demain », dis-je à la fin de la séance. Et chaque jour je reviens pour les soins quotidiens, et chaque jour je note des progrès significatifs.

5ème jour.

Une bonne surprise m’attend. Le patient est extubé, il respire seul et il parle. Il est sorti de réanimation pour le service de médecine. Beaucoup plus facile de communiquer ! Alors il me fait pénétrer dans sa vie de marin aventurier en me livrant une foule de récits plus étonnants les uns que les autres ! Vous vous rendez compte, un navigateur de cette trempe ! il en a connus, des moments de toutes sortes : orages, tempêtes, bataille avec l’Océan, avaries diverses…Je suis tout ouïe.

7ème jour

J’arrive dans la chambre. Il se repose. J’entreprends de le réveiller…et il saute à moitié de son lit, les yeux remplis d’effroi.

« –Mais que vous arrive-t-il ? 

–Ah ma pauvre Isabelle, j’ai vécu dans le rêve que je viens de faire, la plus terrible épreuve de toute mon existence.

Nous étions à Zanzibar, en pleine époque de la Renaissance,  très archaïque en ce qui concerne les techniques de soins. J’étais allongé sur un lit en bois, immobilisé par une multitude de sangles de cuir qui entamaient ma chair,  un énorme africain au rictus mauvais me tirait sur les bras et les jambes comme s’il voulait me désarticuler, et appuyait sur ma poitrine pour me faire respirer à sa convenance, entreprenant carrément de m’étouffer… j’ouvrais la bouche d’où aucun son ne sortait, et j’avais peur, peur, vous ne pouvez imaginer. Quel cauchemar ! J’ai encore l’impression d’avoir mal partout.

–Remettez-vous, Olivier, nous ne sommes pas au temps des kinés de la Renaissance, africains de surcroit, qui d’ailleurs n’existaient pas, mais au XXIème siècle, dans le meilleur C.H.U. de Bretagne et vous sortirez bientôt pour vivre de nouvelles aventures en mer.

Allez ! on va faire un tour dans le couloir ? »

Gill

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