Cinq homonymes dans le texte

 

Après avoir cherché les homonymes de plusieurs mots, les écrire sur un papier puis le passer à sa voisine.

Chacune conserve  cinq homonymes pour les inclure dans un texte qui commencera par :

« J’avais huit ans en 1901 »

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       J’avais huit ans en 1901. Pour moi-même et le reste du monde, c’était la Belle Epoque. Autrement dit, le grand saut dans ce siècle mystérieux qui nous attendait, tapi, sans en avoir l’air tandis que tous les journaux l’affirmaient avec enthousiasme : « Devant nous s’ouvre un siècle de progrès !! »

 

       Le progrès, la modernité, on ne parlait en vérité que de ça. Ici, à Béziers, le tramway, les Magasins Modernes et les Dames de France nous en offraient d’ores et déjà un aperçu prometteur…et puis, transcendant tout matérialisme, c’étaient aussi Fauré et Saint Saëns se  produisant chez nous, dans NOS arènes, en avant-première ! Un honneur, et plus encore ! « Ah, s’écriait mon père transporté d’émerveillement, voilà enfin une musique que l’on sent traverser son corps et son âme, avec à la fois violence et délicatesse ! » J’avais bien sûr follement hâte de connaitre à mon tour un tel phénomène, aussi apparemment contradictoire, mais hélas, il me faudrait grandir pour sentir… D’ailleurs, pouvoir accompagner mes parents au concert ou au caf-conç, voilà bien une idée saugrenue qui ne leur serait jamais venue à l’esprit « Tu es trop petit, voyons ! » auraient-ils aussitôt rétorqué si d’aventure, j’avais insinué que… Trop petit, tu parles, trosso, oui (trop sot en français correct) n’aurais-je pas manqué de traduire Il me fallait grandir, pour avoir le droit de sentir. Ah ! Pourvu que les années passent vite…

 

    Heureusement qu’il y avait l’école communale qui nous voyait arriver le matin, tous pareils dans nos sarreaux noirs.  J’aimais bien quand mon tour venait d’emplir les encriers ou d’allumer le poêle…mais ce que je préférais par-dessus tout, c’étaient les récréations. Non pas tant pour les parties de billes ou de jeux de barres, mais parce que, à travers la grille qui séparaient les deux cours d’école, je repérais avec soin la fille ! Celle à qui tout-à-l’heure, à la sortie, je m’amuserai, juste pour rire, à tirer la grande natte blonde ou brune qui pendait dans son dos. Quelle tentation, ces nattes…même si confusément je devinais que les filles recelaient de troublants secrets dont j’aurais connaissance plus tard, bien plus tard… Lorsque je ne serai plus un trosso Et je priais avec ferveur le Temps, afin que surtout, surtout, il ne suspende pas son vol, pas une seule minute !

 

   Mais, n’est-ce-pas, je parlais du progrès. Il se traduisait aussi par les magnifiques immeubles qui poussaient alors comme des champignons, autour des Allées. Hymne architectural au  sangde la vigne qui irriguait notre ville…

 

  …jusqu’à ce que la révolte des vinerons en fasse couler un autre. Mais je n’ai rien vu de ces évènements, à mon grand regret !  Car il m’était formellement interdit de mettre le nez à la fenêtre, et à plus forte raison de sortir. TROP PETIT ; Encore et toujours !

 

Bien que trop lentement à mon goût, les années finirent par passer, successions d’atmosphère, au fur et à mesure qu’elles s’écoulaient, de Colette, de Pagnol et de Grand Meaulnes…

 

Et puis un jour, ce fut le 3 Août 1914. Anniversaire mémorable s’il en est puisque je fêtais mes vint et un ans. J’étais majeur, enfin ! A moi la vraie vie ! A moi la liberté !!

 

      Oui, je sais. Ce fut aussi le jour de la Mobilisation Générale.

 

                    El Pé

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J’avais huit ans en 1901

 

 

J’avais huit ans en 1901. Ce nouveau siècle avait bien débuté avec des festivités grandioses. Je marchais près de la Seine, donnant la main à mon grand-père, écarquillant les yeux sur la Tour Eiffel qui en mettait plein la vue au monde entier. Paris était encore en liesse. L’Exposition Universelle avait attiré un monde fou qui, à son tour, appâtait d’innombrables curieux et envieux.

 

Mon grand-père, pourtant, ne cessait de me vanter la campagne d’où il était issu, et qu’il portait au fond de son cœur : les prés d’un vert grenouille, les cerisiers et les pommiers en fleurs… Mais, moi, je n’étais pas prêt à lâcher Paris : la campagne était trop grande pour moi, je m’y sentais perdu. Il y manquait les remparts des immeubles protecteurs.

 

Mon grand-père me parlait de la ferme, des vignes et du bon vin. Il brodait parfois sur la vie des animaux, les fruits, les légumes et tutti quanti, pensant me convertir à la ruralité.

 

C’était en vain.

 

« Quand je serai grand, je serai Ministre «  lui disais-je. « Alors, je resterai dans la capitale ». Elle était mon domaine, même si elle ne m’appartenait pas. Paris, quel rêve !

Et je me retrouve aujourd’hui dans l’ancienne ferme de mon grand-père, attelé à mon ordinateur dans le cadre d’un télétravail qui me laisse le temps de respirer, de marcher dans les feuilles mortes, de humer l’air d’un automne coloré, le nez au vent et mon chien dans les basques.

 

Mouty

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L’appartement

 

J’avais huit ans en 1901, exactement en ce 1er janvier 1901 puisque j’étais née à Foix le 1er janvier 1893. J’avais peu connu le 19ème siècle qui m’avait vu ouvrir mes petits poings pour la première fois et j’’entrais dans le 20ème avec la candeur, la curiosité, l’insouciance de l’enfance et la foi en l’avenir.

 

Je me souviendrai toujours de ce 1er janvier-là. Nous venions d’emménager, le mois précédent, dans un agréable appartement  du 20ème arrondissement de Paris que mon père avait loué. Dans la salle à manger, une grande porte-fenêtre laissait entrer un flot de lumière. Autour de la table de fête ou brillaient les assiettes en porcelaine, les couverts en argent et les verres à pieds en cristal, nous étions réunis, mes parents, mes sœurs et ma grand-mère maternelle. Le repas raffiné, préparé par ma mère, avait été apprécié à sa juste valeur et nous savourions le dessert. Le bonheur ! Il fut de courte durée car peu de temps après, mon père laissa femme, enfants et belle-mère, pour aller vivre sa vie en Orient.

 

Aujourd’hui, à presque cent ans, à une décennie de l’an 2000, je suis toujours dans ce même appartement. Il représente toute ma vie, il a connu l’évolution d’un siècle.

 

Après le départ de mon père, il devint exclusivement féminin, bruissant du froufrou des étoffes de nos robes, abritant trois générations de femmes merveilleusement complices, se serrant les unes contre les autres quand les obus de la grande guerre, dans un fracas assourdissant, atteignirent le Père Lachaise, dispersant les tombes. Puis il vit disparaître ma grand-mère adorée, partir mes sœurs qui se marièrent. Pendant quelques années, j’y restai seule avec ma mère jusqu’au jour ou mon mari, y entrant, ne vienne y mettre une nouvelle touche masculine.

 

Il connut alors de nouveau des rires d’enfants - encore des filles - puis une autre guerre où les bombes semblaient pleuvoir sur lui ; derrière sa porte-fenêtre, on vit la banlieue toute proche embrasée par les bombardements. Un jour, le son de la radio s’y fit entendre, un phonographe y fit son entrée, un téléphone fut posé sur sa cheminée et la télévision y diffusa des images. De locataires, nous devînmes ses propriétaires. Des petits-enfants y firent entendre leurs rires cristallins.

 

Eclats de voix, pleurs, fous-rires, colères, espoirs, tristesses, bonheurs, réussites, échecs, il connut tout. Les peintures furent refaites plusieurs fois, la décoration changée, un chauffage moderne installé et la vie passa, difficile parfois mais aussi avec quelques instants de grâce.

 

Il vit la disparition de mon cher mari et c’est pourquoi j’y suis seule désormais et que chaque pan de mur, chaque latte de parquet, chaque centimètre carré de cet appartement fait partie de moi. J’espère que je pourrais demeurer dans ce lieu familier et aimé où j’ai presque toujours vécu et, le point le plus important pour moi, m’y éteindre paisiblement au milieu de tous mes souvenirs.

 

Gill

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