Que s'est-il passé ?

 

Parmi des photos de ruines ou de catastrophes, choisissez-en une.

En 20 minutes, Faites un texte où vous raconterez ou imaginerez ce qui s’est passé pour arriver à ce résultat.

 

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Autodafé…minin

 

      Avant ! Avant, le grand hall du collège avait résonné de cris, d’appels joyeux. Il conservait sans doute le souvenir de bousculades plus ou moins amicales, d’amours balbutiantes et de rêves d’adolescents. Et cela lui permettait de supporter la honte, aujourd’hui.

 

       Avant ! Avant c’était avant…la période de troubles, d’agitation puis de guerre civile.

 

       Avant, c’était avant l’avènement de la dictature à laquelle, jusqu’au dernier moment, personne n’avait cru ; en tout cas pas qu’elle serait aussi impitoyable.

 

        Pourquoi la junte au pouvoir avait-elle choisi, justement, le hall d’un collège mixte pour collecter les livres défendus ? Et il y en avait une liste interminable…

 

        Pourquoi, si ce n’est pour jeter le discrédit sur la Kulture, avec un K majuscule, comme leurs hommes de main se plaisaient à dire, d’un air goguenard et méprisant à la fois.

 

        Tous les livres au nouvel Index s’amoncelaient, en désordre, sur le sol. On y trouvait les philosophes et les poètes, le Théâtre, le Roman, l’Art et la Science ; et pour commencer, tout ce qui, depuis des siècles, avait été écrit par des femmes.

 

        Les livres s’entassaient, déjà brisés, déjà vaincus. Il en était arrivé de plus en plus chaque jour. Surtout dès que l’on avait appris que la peine de mort s’appliquerait à quiconque détiendrait l’un de ces livres maudits. Leur nombre s’accroissait presque d’heure en heure, en attendant l’incendie qui les anéantirait, en même temps que le collège. La population était d’ailleurs sommée de venir assister au spectacle, afin que chacun soit bien persuadé d’une vérité première : l’instruction était naturellement réservée à une élite, choisie par le pouvoir, et inutile pour les autres.

 

       Aucune fille, évidemment, ne faisait partie de cette élite, est-ce nécessaire de le préciser.

 

Mais les mères, en grand secret, récitaient le soir à leurs fillettes, des vers de Shakespeare, de Lorca ou de Verlaine. Et de bien d’autres encore.

 

    En un mot comme en cent, la résistance s’organisait.

 

                  El Pé

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Marée noire

 

Bien avant d’être dans l’état où vous me voyez, c’est-à-dire en pleine agonie,  j’étais un superbe tanker chargé de transporter du pétrole. Je n’étais pas vieux mais un bateau s’use prématurément en subissant l’assaut répétitif des vagues. Je ne le savais pas encore, mais c’était là ma dernière mission.

 

J’avais rempli mes soutes du pétrole du Moyen-Orient, notamment d’Arabie Saoudite et je voguais vers l’Europe. Un dernier ravitaillement en carburant et en avant pour l’ultime étape.

 

La mer était grosse, les conditions météorologiques déplorables. Je me retrouvai alors vers la Bretagne, du côté du rail d’Ouessant. Et par malheur, j’eus une avarie de gouvernail. Impossible pour l’équipage de me diriger et de lutter contre le courant qui me faisait dériver vers la côte. Un remorqueur trop peu puissant essaya à plusieurs reprises de me tirer par l’arrière mais l’élingue se rompit plusieurs fois,  ce qui m’entraîna inexorablement vers la terre toute proche. Je touchai le fond et allai me fracasser sur les rochers ; alors,  tout ce que je transportais de liquide noir et visqueux alla se déverser le long de la côte, juste devant Porstall, petit port breton très prisé des touristes. Je venais de provoquer la plus grande marée noire de toutes ces dernières années, tuant des milliers d’oiseaux et de poissons, endommageant irrémédiablement la faune et la flore. C’était un soir de mars 1978.

 

Pendant plusieurs mois, ma proue fut visible au dessus de l’Océan, juste en face du port, dressée vers le ciel, semblant implorer son pardon. Maintenant, il ne reste plus de moi qu’une ancre noire et brillante, exposée, face au large, pour que personne n’oublie.

 

Je m’appelais « l’Amoco Cadiz ».

 

Gill

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