J'ai posé le pied sur la première marche, et après......?

 

Vous avez le pied posé sur la première marche

d’un escalier, d’un marchepied, ou le premier barreau d’une échelle.

Qu’allez-vous faire ?

Monter ou pas ?

Descendre ou pas ?

Racontez- le en 20 minutes

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         Voilà. L’instant I ; I comme Incroyable ; I comme Inouï … I comme Imbécile.

Comment me suis-je retrouvée là ? Je me le demande encore.

A la suite d’un pari ? Oui. Enfin, pas tout-à-fait. On parlait, je m’en souviens, de « surmoi ». Ça Madame, c’est de la conversation. Les bienfaits, les côtés néfastes du surmoi. De là, tout naturellement, on a glissé vers le dépassement de soi et son utilité, voire sa nécessité !

     Bon. Moi, je ne disais pas grand-chose vu que je n’en pensais guère plus. J’avais très sommeil, retenais difficilement une terrible envie de bailler et n’osais pas regarder ma montre.

      Lorsque soudain, l’un des hommes présents ce soir là, un homme que je considérais pourtant jusque là comme un ami, m’interpelle : « Et pour toi Lili (en plus j’ai horreur que l’on m’appelle ainsi !) quel serait le comble du dépassement de toi-même ? »Tout de suite, ma première impulsion fut de lui répondre : « Faire en sorte que la soirée se prolonge une heure de plus ! », mais, possédant un vernis de savoir-vivre qui me sert de surmoi le cas échéant, je me suis contenter de balbutier, avec un sourire entendu sensé ôter tout sérieux à mon propos : «  Sauter à l’élastique »

« -Chiche ! », s’est écrié mon bourreau que je commençais à vraiment haïr, « Tu en serais cap ? »

Je crois que c’est ce « cap » voulant faire djeune qui m’a poussée au défi : « Et pourquoi pas, si tu m’accompagnes… »

     Et il l’a fait, le con ! Il vient de sauter, bravement, sans un cri, rebondissant trois fois au bout de son élastique qui n’a  hélas pas cassé, ce qui m’aurait permis d’échapper au martyr.

    Or donc me voilà. Un pied encore sur l’élévateur et l’autre sur la plate-forme (de lancement). On me tend  déjà le harnais dont je vais être sanglée…et alors, ô miracle, une grande sérénité m’envahit. J’ai une pensée émue pour Robespierre et Marie Antoinette (entre autres) qui ont dû avoir la même. C’est merveilleux. Finis les questions et les soucis. Dans une minute, je vais me précipiter dans le vide.

   Et dans une minute et une seconde, je serai morte.

     El Pé

 

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Ca y est, c’est fait. Quand je pense que j’ai passé ma vie à flipper , à me poser des tas de questions , et je vais mourir quand ?et est ce que ça fait mal ? et comment mourir le mieux possible ? Et ben voilà, t’y es , c’est fait ! Même pas eu peur, même pas souffert ! Je sais même plus si c’est une bagnole ou un camion ou les deux. Finalement, c’est facile de mourir. Si j’avais su ! Ils pleurent en bas. Ils croient que je les vois pas. Et vas y que je te congratule et que je t’embrasse et que je regrette. Mais j’ai rien bande de naves .Rien du tout. Pas le moindre petit bobo. Pas d’enfer pas de purgatoire  , toutes ces bêtises qu’on raconte .Ah ,si je pouvais revenir vous expliquer. Je vous explique quand même , on sait jamais , si vous faites tourner des tables, ça passera peut être.

     Alors voilà, il y a une grande échelle devant moi, et au bout de l’échelle il y a un vieillard à barbe blanche. Il a l’air gentil, généreux, et au loin, je vois passer des anges, des prêtres, des religieuses, des gens très bien habillés, très corrects, très dignes, très ... comment dire …. pur. Voilà, c’est ça, des purs ! Pas de doute, c’est le paradis.

       Le vieillard me fait signe de la main et me montre un gigantesque ordinateur, sur lequel figure mon nom et une liste qu’il m’invite à regarder: il y a des dates, des heures, des minutes et à chaque ligne … aïe aïe aïe ! Si j’avais su : «  A volé un stylo quatre couleurs » , à la date suivante : « a volé chez Leclerc 4 graines de raisin » .Ily en a une dizaine de pages Je comprends : j’ai quand même droit au paradis, mais pour cela je dois faire un dernier effort, d’où la présence de l’échelle !

       Le vieillard insiste, je grimpe, c’est un peu dur mais j’ai atteint la moitié du chemin et j’y vois plus clair  tout est bien rangé au paradis. Des étagères immaculées,  ça sent l’encaustique et ça sent l’eau de javel et ça sent la poudre à récurer .Tout est propre, impeccable, un vrai paradis !

     Le vieillard me tend la main  pour m’inviter à gravir les derniers échelons Je regarde en haut, je regarde en bas, et j’aperçois une autre échelle, plus bas, qui descend dans les profondeurs. Je redescends quelques marches, puis encore quelques marches. On me fait signe aussi en bas à Ce n’est pas un vieillard à barbe blanche, … mais oui ...c’est Johnny , ça alors ! Il tient une bière dans sa main, non  non, pas la bière à laquelle vous pensez, une vraie bière blonde ! Il descend lui aussi les marches de l’échelle mais en moto ! plus haut saint Pierre me sourit. Johnny me tend une bière. J’hésite, je regarde en  haut puis en bas, Et j’aperçois soudain Renaud .Je redescends les marches deux par deux ! En haut on me fredonne des cantiques, en bas Johnny me fredonne :

«  Je te promets mes bras pour porter tes angoisses

 Je te promets mes  mains pour que tu les embrasses

Je te promets mes yeux si tu ne peux plus voir

J’te promets d’être heureux , si tu n’as plus d’espoir »

 

je lève une dernière fois la tête, puis je redescends quelques marches : ils sont tous là : Salvador, Montand, Ferrat, Barbara, Maurane et les autres : je n’hésite plus :

 

«  Eh, les copains ! J’arrive! »

 

Louis

 

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Ça y est, j’y suis, mon pied est sur la première marche de la grande échelle, c’est la première fois que je me trouve en plein cœur de l’action.

Je me sens lourd, lourd de cet équipement que j’ai testé bien des fois mais sans le stress du VRAI, du vrai feu de la vie réelle, qui crépite, qui avance, qui brûle le bois, qui tord l’acier, qui fait fondre le plastique, qui consume les vies.

Je me sens protégé par le casque, la combinaison, les grosses chaussures, tout mon corps est dissimulé et pourtant je ressens quelque chose qui m’était inconnu jusqu’à maintenant. Mais qu’est-ce que c’est ? Pas de la peur tout de même ! Comment vais-je pouvoir sauver des vies, si je crains pour la mienne. Comment vais-je pouvoir soulever mon pied de cette marche et gravir tous les échelons qui me séparent de ce à quoi je me prépare depuis tant de mois.

Alors, après ce centième de seconde qu’a duré ma réflexion, le doute s’efface, les gestes professionnels que j’ai appris et répétés mille fois à l’entraînement  reviennent. Je lève la tête, je vois le ciel rouge, les flammes qui sortent de la fenêtre et je monte, d’un pas assuré. Je monte en me disant que je ne suis pas seul, mais un maillon d’une chaîne bien huilée, destinée à fonctionner parfaitement. J’atteins le sommet sous l’eau de la lance qui attaque les flammes. Mes camarades me suivent.

Dans l’appartement, de la fumée, des crépitements, une chaleur intense. Il faut faire vite. Méthodiquement, je fouille chaque pièce, je crois qu’il n’y a personne. Dernière chambre, une chambre d’enfant on dirait, pas encore atteinte  par les flammes. Un placard entrouvert, je pousse la porte : une tête blonde, des yeux bleus exorbités et larmoyants, un visage déformé par la peur, et des petits bras serrant convulsivement un chiot tout blanc au poil neigeux. Dieu merci, je suis arrivé à temps. Pris dans mes bras, enlevé, redescendu, l’enfant est déposé et pris en charge par le médecin. Son seul chagrin, aujourd’hui, sera sa séparation momentanée d’avec son petit compagnon pris en charge par un collègue. Il le retrouvera vite.

Et moi, je suis satisfait, soulagé, content et fier d’avoir pu « sauver, sans périr ».

Gill

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