Un personnage au choix, un lieu et une époque au hasard

 

Choisir un personnage puis tirer au sort un lieu et une époque.

En 20 minutes, écrire un texte  mettant en scène le personnage choisi dans le lieu et l’époque tirés au sort.

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                         Si Papa si…

 

  Tout se résumait en un seul mot : l’application. Comment appliquer dans la réalité, dans le présent, dans le concret, dans tout ce qu’on voudra, la fameuse théorie qu’il venait d’élaborer et qui s’inscrivait, blanche sur noir au tableau : « E=MC2 ».

 

    « Oui je sais bien soliloquait Einstein que nous appellerons désormais Albert pour la commodité du récit, je sais bien, ça a l’air évident comme ça, mais cette théorie, elle se traduit comment en fait ? Mon truc ne marchera jamais ! Forcément, j’ai au moins deux siècles d’avance sur le reste de l’humanité ! Ah ! Toutes ces années perdues pour rien ! A bosser comme un malade au lieu d’aller rigoler avec les copains ! »

 

     Désespéré le pauvre Albert, n’ayant rien d’autre sous la main pour noyer son chagrin, se saisit de la bouteille d’eau de Cologne offerte par son épouse pour son anniversaire, la porta à sa bouche et la vida cul-sec.

 

     Aussitôt-presqu’aussitôt pour être exact- il fut propulsé au travers de la fenêtre de sa chambre fort heureusement située au rez-de-chaussée et restée ouverte malgré la saison, propulsé donc par une force étrange allant s’accélérant et ne tardant pas à atteindre la vitesse de la lumière puis à la dépasser bientôt.

      Le pauvre Albert- on aurait fait pareil à sa place- s’évanouit.

 

Il se réveilla peu après ; ou plus précisément un bruit infernal le réveilla : un mélange de brouhaha indescriptible et de musique de bastringue. Sur laquelle dansait une femme verdâtre qu’il reconnut sur le champ pour être La Goulue. Toulouse-Lautrec l’applaudissait avec un enthousiasme délirant, ainsi que d’autres chenapans impressionnistes ou poètes du Parnasse.

 

     Albert fut stupéfait de voir tout ce beau monde bien vivant sans aucun doute possible…avant de découvrir qu’il était d’une part allongé sur une banquette de velours rouge, d’autre part que ladite banquette faisait partie d’un tout qui ressemblait furieusement au Chat Noir et enfin que le calendrier suspendu au dessus du comptoir et constellé de chiures de mouches indiquait : 1870.

 

     « Oh çà alors !! » s’exclama le savant. Il n’eut pas le temps d’en dire davantage. Un individu éméché-qu’il lui parut avoir déjà vu quelque part, mais où ?- s’approcha de lui et se mit à lui chercher querelle au motif qu’il (Albert) était couché sur son pardessus. Le ton monta, l’ivrogne devenait franchement agressif. Agacé, Albert le repoussa d’un mouvement certes un peu vif. L’individu tituba, essaya en vain de se raccrocher au veston d’Albert et finit par tomber à la renverse. Malheureusement, au terme de la chute, sa tête alla se fracasser sur le marbre de la table voisine et malheureusement encore il mourut sur le coup.

 

 Mais, bien plus malheureusement encore, l’individu en question était le père d’Albert, alors célibataire et en goguette à Paris à ce moment là.

 

        Ce qui fait qu’il n’eut jamais l’occasion de concevoir Einstein Junior* et  que dans la seconde qui suivit, ce dernier disparut et avec lui le reste du monde.

 

 C’est ce qu’on appelle, en langage familier, le fameux paradoxe temporel.

 

           Ainsi soit-il.

 

                   El Pé

 

* Albert Einstein est né le 14 mars 1879

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HENRI IV

 

Henri IV, le vert-galant, aimait conter ses exploits à ses dulcinées qui s’évertuaient à le croire, ou à faire semblant.

 

Généralement, ils s’installaient dans l’herbe fraiche à l’orée du bois, car ce lieu favorisait les rêves. Il suffisait de s’alanguir, visage tourné vers le ciel, pour plonger dans la frondaison préhistorique ou se perdre dans l’azur infini.

 

Donc, Henri le charmeur, regardant son auditoire d’un air entendu, entreprit de narrer ses aventures d’une vie précédente. Celle-ci était peut-être bien la première puisqu’elle se déroulait vers le début de l’âge des cavernes.

 

Bien sûr, il n’était pas vêtu comme aujourd’hui. Une peau d’ours lui garantissait un confort acceptable. En ce temps-là il chassait aussi le bison et la gazelle. Cette dernière appellation ne qualifiait pas que les animaux : il avait à son actif un nombre impressionnant de « chérubines » qu’il dessinait au tison sur les parois de sa grotte.

 

Un jour, il suivit un caribou qui l’emmena vers le ciel à l’aide d’un traineau réalisé avec des branchages. Il le chargea de châtaignes, de quartiers de viande, de poissons séchés.

 

L’attelage sillonna le ciel en tous sens. S’en suivit une distribution inopinée de victuailles qui firent le bonheur de maintes tribus.

 

C’est ainsi que naquit la légende du Père Noël.

 

Mouty

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Comice agricole à Caen

 

Mais qu’est-ce que c’est que ce temps ! Dit Claire ; il pleut des cordes. On m’avait dit qu’en Normandie il ne faisait pas beau, mais alors là, ce n’était pas un mensonge.

 

C’est ainsi que Claire Chazal, journaliste de renom, arriva de la capitale un beau jour de septembre 1900, après un voyage éprouvant en chemin de fer, pour couvrir un évènement de la plus haute importance : l’élection de la meilleure vache laitière de la région normande, qui avait lieu à Caen.    

 

Avec grâce et élégance, la jupe tenue de la main gauche pour éviter les flaques,  et le parapluie de la droite pour conserver à sa coiffure sa savante sophistication, elle s’apprêta à monter dans le fiacre qui la conduirait sur le lieu de l’élection. En chemin, elle consulta son programme de travail, établi avec le plus grand soin, pour avoir en mémoire le nom de toutes les personnes d’importance qu’elle devait questionner afin d’écrire son article pour le grand journal parisien dont elle était la journaliste vedette : Monsieur le Ministre de l’Agriculture, Monsieur le Maire de Caen, Monsieur le Président de la compagnie des Agriculteurs de Normandie et quelques comparses de moindre importance. Quant à la vache, elle verrait sur place pour pouvoir la décrire avec le plus de détails possible : sa race, sa couleur, son poids, son propriétaire et ses performances ; tout ce qu’elle pouvait en dire maintenant, c’est qu’elle devait être blanche et rousse, ce qui est peu.

 

Mais la voiture arrivait déjà sur la place du concours. Claire pris son miroir, vérifia maquillage et coiffure, pris son parapluie, la pluie étant toujours présente, et sortit, calepin et crayon à la main. Elle se dirigea d’un pas précautionneux, mais assuré cependant, un sourire discret aux lèvres, vers Monsieur le Ministre tandis que la maréchaussée tenait les badauds à distance.

 

Gill

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