Duos de stylos

 

  1° - vous recevez un message (par mail ou sur votre répondeur, ou par une bouteille à la mer ou tout autre moyen à votre convenance) qui ne vous est pas destiné. Rédigez ce message puis donnez-le à votre voisine.

 

            2°- Racontez votre réaction au message que vous avez dans les mains

 

 

 

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Mouty

 

Je me prélasse sur la plage, les vagues lèchent mes pieds. Une bouteille ! Un message !..........j’ouvre.

 « Ma chérie, j’ai découvert l’Eden sur une île des Galápagos. Rejoins-moi vite. Je te serre dans mes bras. ROBINSON »

 Voyons d’abord cette bouteille ! Et bien, c’est une bouteille qui n’a rien d’extraordinaire, une bouteille transparente, d’une contenance d’un litre, qui pourrait venir de l’épicerie du coin, et qui a l’air, ma foi, en assez bon état. Quant au message, il est lui aussi en bon état, même en très bon état, écrit sur du papier dont la couleur lavande est très bien conservée et me paraît familière. Et enfin, la proposition très séduisante d’un Robinson que j’aimerais bien connaître et dont je cherche inconsciemment à cerner la personnalité.

 Alors, fermant les yeux, allongée sur le sable noir tahitien, je me mets à rêver sur cette tranquille plage de Fara Ute qui est déjà un Eden. Je vois Robinson, finement musclé, blond évidemment, les yeux bleus très clairs, les cheveux courts, une petite mèche retombant légèrement sur le front, la peau dorée plutôt que bronzée, la barbe courte et soyeuse. Le bateau qui lui permet de pêcher pour se nourrir est amarré non loin de lui et il prépare tranquillement son matériel en attendant impatiemment mon arrivée. Non loin, des iguanes à la stature impressionnante se chauffent nonchalamment sur les rochers et des otaries sont paresseusement allongées sur le sable. Oui, c’est tout à fait comme cela que je vois « Mon Robinson ». Poursuivant ma rêverie, j’ouvre à demi les yeux et petit à petit Robinson se matérialise ; il est là devant moi. Bien réveillée cette fois, je vois François qui m’observe ; son regard va de mon visage à la bouteille et au message dans ma main et il a ce petit sourire d’enfant farceur que j’adore et qui me fait craquer.

 Alors, sans chercher à comprendre, souriant intérieurement, je réalise que mon Robinson, je l’ai déjà ici avec moi et qu’il n‘est nul besoin d’aller aux Galápagos pour le trouver même si je dois renoncer à côtoyer iguanes et otaries.

 

Gill

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  Ji Gé

    Crevée ! Super crevée ! Quelle journée !! Ouf, enfin chez soi !

D’abord, envoyer promener les godasses, ouvrir le frigo et se servir un grand verre de lait froid (à la fraise)  , puis se diriger sans trop d’illusions vers le répondeur téléphonique en signal de détresse. A tous les coups une collection mirifique de cuisines et de vacances low cost m’attend, cachée derrière un O1 quelque chose…Je fais donc défiler les messages en absence quand tout-à-coup, derrière effectivement un O1, j’entends ceci : «Bonjour Monsieur, ici la secrétaire de votre garage des Champs Elysées. La Maserati que vous avez commandée est à votre disposition, vous pouvez en prendre possession dès que vous le souhaitez. Passez une excellente journée. »

     Kézaco ? A l’évidence, il y a erreur sur la personne. D’une part je ne suis pas un monsieur, et surtout mon garage n’est pas situé sur les Champs mais à Montimaran (ZA de Béziers pour les non-initiés). « OK, laisse tomber bébé » que je me dis sitôt suivi d’un : « Et pourquoi après tout ? ». Voilà, c’est tout moi ça. Je sais que je suis en train de commettre une bêtise (restons polis) gigantesque mais je fonce quand même. C’est grave Docteur ? Oui ? Tant pis.

     Bref, dans la foulée je compose (tout en prenant soin de masquer le mien) le numéro agréablement fourni par mon gentil répondeur et rode en quelques secondes un super accent snobinard du XVIème. S’en suit donc : 

          « - Suis-je bien au garage des Champs Elysées ?

              - Mais oui Madame

              - Ah Bonjour, c’est au sujet de la Maserati…Je viens de découvrir votre message, en rentrant de la garden party de Nicolas…

                - Oh ! Madame D… ! (J’ouvre ici une parenthèse pour signaler que le D correspond à un personnage très connu de la jet set dont je n’ai malheureusement pas le droit de divulguer le nom)

                - Elle-même.

               -Votre voiture est prête et...

                -Oui, j’avais compris. Je passe demain en début d’après-midi. Mon mari voulait me faire une surprise. Dommage, il sera furieux, le pauvre…

              - Oh ! Je suis désolée, vraîm…

                -A demain mon petit. »

Une nuit agitée, peuplée de rêves à la Scott Fitzgerald, un TGV à pied d’œuvre le lendemain à l’aube et Paris, toujours aussi blonde et pluvieuse, un peu plus tard. Taxi jusqu’au fameux garage (je ne vais pas surgir du métro, non ?) Présentation au « conseiller » sapé Armani qui me dévisage d’un œil surpris, mais se reprend in extremis ; naturellement, mes fringues estampillées Kiabi y sont pour quelque chose mais ces rombières de la haute sont tellement excentriques, n’est-ce-pas ?

             La Maserati est là, d’un bleu outremer à damner un ange. J’ouvre la portière, ô céleste musique, m’assois sur le siège en chevreau blanc, moulant à souhait, mets le contact et…

              …Et ce serait merveilleux si c’était vrai, hein ? Mais hélas, ce n’est qu’un jeu…d’écriture. N’empêche que cela m’a donné des idées. Finalement, c’est le genre de truc qui peut tout-à-fait arriver, non ? Avec un peu de chance…

                Alors promis juré, je serai prête à tenter le coup. Pourvu que ce soit une Ferrari, rouge bien sûr. Pour aller avec le polo au petit cheval que je me suis acheté hier. Parce qu’après tout, on ne sait jamais.

  El Pé

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Rina

 

 « J’ouvre ma boîte électronique. Je sors mes messages. Parmi eux s’en trouve un qui m’intrigue. Je l’ouvre et lis :

-       Vous nous avez contacté pour postuler à un emploi de Gouvernante d’étage à l’hôtel Ibis »

 

Deux mois déjà que je galère pour trouver un emploi. Le dernier s’est envolé avec la délocalisation de la boîte - où je trimais depuis quinze ans - vers la Chine. Mes dizaines de demandes restent sans réponse, même après avoir revu mon CV à la baisse pour mes prétentions salariales. Le découragement commence à me tirer par les basques. Je flemmarde en promenant un regard vague sur l’écran de mon ordinateur.

J’ouvre pour la énième fois ma boîte électronique d’où je balance machinalement tous les messages publicitaires.

 Toujours pas de réponse à mes demandes d’emploi.

 Tout d’un coup, Youpi ! En voici un qui m’intrigue. Je l’ouvre et lis : « Vous nous avez contacté pour postuler à un emploi de Gouvernante d’étage à l’Hôtel Ibis ».

 Tiens, je n’ai jamais contacté d’hôtel Ibis. Ni présenté ma candidature à un poste de gouvernante d’étage dans aucun hôtel.

 Mon emploi précédent dans une concession de véhicules ne me préparait pas à ce job. Et pourtant…

 Et pourtant je sautai sur l’occasion, c’était peut-être l’affaire de ma vie.

 Je répondis : Dame, la trentaine, niveau et expérience confirmés, demande à être reçue pour une rencontre professionnelle concernant le poste de Gouvernante d’étage dans votre hôtel / BAC + 5 / Trilingue / Célibataire sans enfant / Grande mobilité / Immédiatement disponible.

 Réponse : OK. Votre réponse nous convient / Vous donnons rendez-vous à Roissy samedi 19 novembre à 9 h / Prenez vos dispositions pour départ à 11h / Devrez être en poste à l’Hôtel Ibis de Shanghai dès lundi 21 novembre à 8h / Comptons sur vous / A très bientôt.

 

 Mouty

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           - Décrivez une situation angoissante (lieu, personnages, énigme, suspense) puis donnez votre texte à votre voisine.

 

           - Écrivez la suite du texte que vous avez reçu de votre voisine.

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Rina

 

 El barranco del infierno. Tenerife. Ce coin perdu de nulle part, un gouffre coincé au fond d’un ravin où j’ai glissé, dérapant sur un sentier de randonnée et dégringolant sans pouvoir me retenir ou m’accrocher et, quand je réussis enfin à m’agripper à une maigre branche flexible qui semble tenir le coup, je découvre que je me trouve tête en bas à l’entrée d’un  gouffre d’où sort un terrible grondement qui doit être de l’eau, des chutes d’eau. Combien de temps tiendrai-je ? Vais-je pouvoir me rétablir et regrimper ? Et d’abord mon portable, atteindre mon portable pour pouvoir prévenir. J’ai été imprudente, je n’ai pas tenu compte des conseils de prudence donnés avant le départ, je vais peut être le payer de ma vie. Mais je me rappelle, un couple me suivait, il n’était pas loin derrière moi, il m’a sûrement vue glisser et disparaître, il va sans doute alerter les secours. Comment vais-je sortir de cette situation inquiétante ?

 El barranco del infierno  à Tenerife.Si je sors vivante de cette situation périlleuse, je me souviendrai toujours de ce lieu au nom maudit. Pourvu que cette appellation ne soit pas prédestinée : le ravin de l’enfer ! Pourvu que ce ne soit pas l’entrée, la bouche de Satan, la gueule du monstre qui avale les âmes qui passent un peu trop près, à portée !

 La position est périlleuse : cramponnée à une branche souple, tête en bas ou presque.

 Je n’ai qu’une main libre pour essayer de saisir mon portable et si je l’ai, il ne faudra pas le lâcher. Je vais déjà commencer à hurler pour alerter le couple qui me suivait ou d’autres randonneurs. « Au secours !Au secours !Help !SOS ! Je commence à fatiguer, je ne tiendrai pas longtemps. Il faut absolument rétablir une position plus confortable et plus sûre, ne serait-ce que pour pouvoir attraper le portable qui se trouve…va savoir où !? Où l’ai-je rangé la dernière fois ?

 Bon, pas de panique, calmons nous, prenons les choses dans l’ordre le plus logique, le plus chronologique, le plus opérationnel, le plus utile. D’abord essayer de me redresser sans à coup car le bruit autant que le vide au-dessous sont inquiétants.

 Voilà, ça va mieux, le rameau tient le coup, moi aussi pour le moment…Je vais essayer de remonter. Cette racine au-dessus semble bien plantée, j’essaie. Ouf !ça tient. Encore un point d’ancrage pour les mains et d’appui pour les pieds. Au secours, je suis là !

Ah ! J’entends un appel venu d’en haut. On m’a repérée ! Courage, on en sortira de ce ravin de l’enfer ! J’ai la chance d’avoir seulement glissé et de n’être pas blessée.

 Ouh !ouh ! Je suis là ! Pour le moment ça va. Pourvou qué ça douré ! Comme disait Laetitia Buonaparte, la mère de Napoléon .Mais ça n’a pas duré pour eux.

 Comment puis-je faire de l’humour dans une telle situation ? L’humour sert justement à dédramatiser les situations graves. Et là, nous y sommes en plein !

 Allez, je remonte. Repérer les points d’appui…Moi qui ai horreur de l’escalade, je suis servie ! Je vois là-haut une main qui se tend, des visages qui me sourient. Je retrouve le sol ferme. Je n’oublierai jamais el barranco del infierno !

 

 Mimi

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Mimi

Des amis qui jouent dans un groupe de jazz m’ont invitée à aller les écouter ; mais ils se produisent dans un quartier de la ville plutôt mal famé et j’appréhende de m’y rendre seule, de nuit, avec ma voiture. Le lieu du « concert » est une salle en sous-sol d’un immeuble de banlieue et les spectateurs-auditeurs sont les habitants du quartier qui connaissent les musiciens, mes copains. J’arrive là, le lieu est sombre, enfumé, très bruyant, empli de toute une faune hétéroclite et de tous âges depuis des bébés dans des poussettes jusqu’à des vieilles se croyant encore des miss et des vieux basanés, blanchis, chenus, ridés.

Que suis-je venu faire dans cette galère ?

Galère, galère, c’est peut-être un peu vite dit. Il est vrai que je n’arrive pas ici très détendue: j’ai eu du mal à me garer et j’ai dû aller à pieds plus que je ne l’aurais voulu. J’aurais dû prendre le métro, mais à cette heure ce n’est pas mieux. Je crois que j’ai d’emblée trop d’à priori sur ce lieu et ces gens et il faut plutôt que je me calme et que j’essaie de trouver mes copains. Cela ne va pas être très facile dans cette atmosphère embrumée. C’est vrai que toute cette fumée de cigarettes me gêne mais après tout, comme j’ai fumé aussi, je n’ai rien à dire.

Peu à peu, mes yeux s’habituent à l’obscurité et je vois que la couleur de peau dominante est le noir. Mais tout ce noir est joyeusement enveloppé dans des coloris voyants, certes, mais gais ! Tous ces spectateurs du quartier ont l’air parfaitement bien dans leur peau. De place en place des visages plus clairs, blancs, semblent tout à fait intégrés à la riante assistance. Je m’aperçois que le bruit est un mélange de rires, de conversations bruyantes mais enjouées, de babillements et de cris d’enfants, de voix haut perchées de femmes qui s’interpellent. En regardant bien toute cette assemblée, je la trouve de plus en plus sympathique.

Ah, tiens, je vois un de mes copains, là-bas. Je vais essayer de le rejoindre si j’arrive à traverser cette foule compacte. Après m’être faufilée entre tous les boubous chamarrés, j’arrive enfin près de lui. Un sourire de bienvenue et me voici présentée à tout un tas de ses amis du quartier, embrassée, serrée dans des bras accueillants et invitée à partager les boissons, les sandwichs, bref, adoptée. Alors nous écoutons ensemble cette musique que j’adore, en nous déhanchant en rythme jusque très tard dans la nuit. Les enfants s’endorment au son de la clarinette et les « vieux » s’assoupissent dodelinant de la tête en  musique. Je passe une excellente soirée et au moment de partir un petit groupe propose de m’accompagner à ma voiture. Finalement, heureusement que je l’ai prise car à cette heure très tardive,  il n’y a plus de métro.

Gill

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Gill

 

« La maison au milieu des bois, dans les Landes, n’a rien d’inquiétant, bien qu’il fasse déjà nuit, mais ce sont les coups qu’on entend de façon régulière et dont on n’arrive pas à déterminer l’origine, qui créent ce climat d’inquiétude, presque de peur. Le chien s’agite et furète dans tous les coins de la maison, semblant s’attarder à côté de la cheminée vers la petite porte qui monte au grenier. Les enfants sont immobiles au milieu de la grande pièce, demandant s’il y a des voleurs dehors, et ne semblent pas rassurés par leur père qui leur dit de ne pas s’inquiéter. Quant à moi, je vérifie que les trois portes qui donnent sur l’extérieur sont bien fermées. Ma mère, toujours très calme pourtant, semble légèrement impressionnée. Tout le monde lève la tête car les coups répétés semblent provenir maintenant du grenier. Et si des gens mal intentionnés avaient pénétré dans la maison ! Il n’y a pas de voisins très proches, pas de téléphone, donc pas d’aide !

 La régularité des coups inquiète. Au plus fort de l’angoisse, ils s’arrêtent. Le silence qui s’ensuit devient terrifiant. Il paralyse. Les respirations s’arrêtent. L’absence de tout bruit est pire que les sons dont on ignore l’origine. Soudain, les coups repartent. Des martèlements secs, rapides, enchaînés les uns aux autres. Puis, une pause. Interminable… Un coup de vent claque une porte entr’ouverte. Elle était pourtant  fermée tout à l’heure ! Un coup d’œil circulaire : ma mère n’est plus là ! Sortie ! Inconsciente du danger !

Soudain, venant de l’extérieur, un grand éclat de rire. Le rire saccadé de ma mère, inextinguible. J’entrebâille la porte et prends de l’assurance en voyant l’air hilare de ma mère qui se tient les côtes. Après avoir repris son souffle, elle nous explique alors avoir découvert le manège d’un pic-vert noctambule qui a emménagé ses pénates dans le tronc servant de mat à la maison pour soutenir l’arêtier. Ses coups de bec répétés en cadence sur le tronc sont transmis par la boiserie du grenier. Amplifiés, ils parviennent au rez-de-chaussée, intrigant les non initiés. Et si nous avions approfondi l’inscription portée sur le fanion flottant en haut du mat… « La Maison du Pic ». Ce n’était pas le nom du tertre voisin, mais bel et bien celui de cet oiseau squatter des endroits forestiers ou des bords de rivières.

 

 Mouty