"Tous les matins...." ou un portrait de l'intérieur
Au choix, en 20 minutes,
Ecrire un texte dont toutes les phrases commencent par
« tous les matins »
Ou
Après avoir écouté un passage de » l’homme sentimental »,
Inspirez-vous de ce modèle
pour faire le portrait d’un personnage réel ou inventé
non de manière classique mais en le décrivant de l’intérieur
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C’était Beethoven ressuscité. Un mufle léonin, d’une laideur extrêmement attirante, couronné d’une crinière plus poivre que sel pour le moment, mais que l’on sentait prête à basculer de l’autre côté à tout instant.
Curieusement, c’était sa bouche que l’on remarquait avant tout. Admirablement bien dessinée, épaisse, qui aurait trahi l’homme sensuel, volontiers violemment sensuel, si un petit sourire de biais (que je reconnus plus tard aussi chez Harrison Ford) ne venait corriger la première impression en apportant un je ne sais quoi de taquin, de tendre, presque d’enfantin.
Au dessus un nez, à l’évidence habitué à humer la vie ; à reconnaitre toutes les senteurs, tous les parfums les yeux fermés. Un nez qui invitait à le suivre jusqu’au bout du monde.
Et enfin, oui enfin car on ne les découvrait que lorsqu’il ôtait ses lunettes en parlant, ce qui lui arrivait tout de même fréquemment, des yeux bruns…ordinaires.
Ordinaires ? Non !! Sûrement pas ! Car dans leur regard, l’intelligence brûlait, comme une veilleuse vivante, sans cesse vigilante. Elle bougeait, interrogeait, induisait, déduisait, sans qu’il soit possible de la suivre dans ses raisonnements, bien entendu.
Mais je crois bien que ce sont ses mains qui m’ont fait fondre comme une tablette de chocolat exposée trop longtemps au soleil. Des mains grandes, larges, fortes. Des mains de terrassier ou de Frankenstein, au choix. Aptes à prendre et à tenir. Des mains propres à faire fantasmer comme une folle une petite élève-infirmière amoureuse du Docteur X, médecin-chef du Centre Hospitalier Psychiatrique de…Mais nous arrêterons là, car c’est une histoire vraie.
El Pé
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Je fais glisser la porte du wagon, je salue poliment, je m'installe presque en face d'elle, un peu en biais, j'allonge mes jambes, et joue l'indifférence alors que je la suis depuis une demi-heure : comme hypnotisé par les expressions changeantes de son visage quand elle consultait l'immense panneau des départs des trains : Lille:15h 23, Toulouse:15h 54,Balbec : 16h12 . Son regard balaye les horaires de gauche à droite, de droite à gauche: elle semble hésiter, elle fait demi-tour , se dirige vers le guichet, j’aperçois le mouvement de ses lèvres à travers la glace: Balbec c'est bien ça , je m'avance : "un aller Balbec s'il vous plaît": elle s’assoit dans la salle d'attente, son visage, tout à l'heure perplexe semble rayonner : quel age a-t-elle ? 70 ans ou plus ? ses cheveux blancs flottant sur ses épaules, sa silhouette fine et élancée, belle encore.
Elle lit: "à la recherche du temps perdu ",Marcel Proust: ça y est, je savais bien que je l'avais vue quelque part: Albertine, la prisonnière, l'absente : je perçois le reflet de son visage à travers la vitre: livre ,visage, livre, tout se confond, tout s'agglomère, le livre s'ouvre , le visage disparaît dans les pages; puis plus rien .
"Madame, madame » ?
"la seule vie enfin découverte et éclaircie c'est la littérature"
Louis
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Transformation
Tous les matins, il se regarde avec attention dans son miroir, et pourtant, il connait bien son visage. Tous les matins, pendant un instant, derrière ce visage il en voit un autre.
Tous les matins, dans ses yeux bleus entourés de rides profondes, il voit le regard vif et rieur de l’enfant, puis celui rêveur de l’adolescent, toujours la tête dans les nuages, enfin, celui passionné par son art, du musicien.
Tous les matins, il voit sa bouche amincie par les ans, frangée de fines ridules et marquée d’un pli d’amertume, qui en laisse peu à peu deviner une autre, bien dessinée et souriante qui attirait tous les regards.
Tous les matins, il voit ses cheveux gris, ternis par l’âge, mais l’image s’estompe pour laisser la place à une chevelure châtain clair, abondante, frisée, qui lui donnait un air romantique et faisait chavirer tous les cœurs.
Tous les matins, le reflet de son dos voûté, dans le miroir, disparait, se redresse pour lui donner cette attitude élégante qui séduisait le public dès qu’il entrait en scène.
Tous les matins, il remarque ses mains aux articulations noueuses et douloureuses, mais son esprit ne voit que ses doigts fins et agiles de pianiste, ses doigts de virtuose.
Tous les matins, il voit ce qu’il est, et tous les matins, pour un court instant, sa mémoire le transforme en ce qu’il était.
Gill
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PORTRAIT DU PETIT HOMME
Bien installé dans son fauteuil miniature, un puzzle aimanté devant lui, il se concentrait.
Sa petite silhouette bien découpée faisait penser à celle d’un PDG. Silhouette droite, petit corps vêtu d’un pantalon, d’une chemisette et d’un pull, un PDG miniature dans son fauteuil miniature !
Son visage très expressif changeait à chaque fois qu’il pêchait une pièce du puzzle avec sa petite canne à pêche aimantée et à chaque fois qu’il en encastrait une du premier coup. Les Bravo, les Waouh, les Oh fusaient régulièrement de sa petite bouche. Son front se plissait lorsque la concentration était totale, ses traits se détendaient quand il réussissait, ses grands yeux marron pétillaient de malice lorsqu’il faisait semblant de se tromper d’emplacement !
On pouvait déjà deviner en l’observant son attitude future face à un problème à résoudre ou une décision à prendre.
Tout existait à l’intérieur de ce petit personnage de 22 mois et c’était fascinant à voir : La posture, l’attention, l’intérêt, la sagacité …
Puis tout à coup, il se leva, rangea son puzzle sur l’étagère et courut chercher sa draisienne qu’il chevaucha allègrement dans tout l’appartement.
Après la réflexion , l’action …
Christine
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