De quoi ai-je encore rêvé?

 

« La nuit dernière, j’ai encore rêvé que je retournais à…. »

C’est par cette phrase que débute le roman de Daphné du Maurier,

« Rebecca »

Écrivez un texte dont l’incipit est cette phrase

 

 

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        La nuit dernière, j’ai encore rêvé que je retournais à…La Vallée des Jardins.

Cette vallée au nom biblique s’étendait entre le Faubourg Thiers et la rivière Mekerra. Petit territoire cultivé au cœur d’ une ville d’Algérie que tout le monde appelait Bel Abbès… sans mettre le Sidi devant, ce qui est un tantinet irrévérencieux pour ce saint homme, marabout de son état.

Mais bon.

Je rêvais que j’ouvrais la porte de notre maison, à l’intérieur un peu sombre, comme toutes les maisons de là-bas construites au début du siècle, et donc préservées avec bonheur de l’ardeur du soleil.

J’ouvrais la porte, donnant immédiatement sur la rue sans trottoir, accueillie sur le seuil par les parfums du champ de Monsieur Ambrosino, le fleuriste d’en face. Il était encore tôt, les hirondelles volaient haut et le poissonnier n’avait pas encore fini sa tournée dans le quartier (un tout petit quartier composé par une dizaine de maisons, rassemblées le long de deux courtes rues mais perdues  dans l’océan des jardins qui nourrissaient la ville). Une forte odeur de marée l’accompagnait, submergeant celle des fleurs au fur et à mesure qu’il avançait, poussant sa charrette à bras.

Laissant ma mère seul juge de la fraicheur de notre repas de midi, je courrais rejoindre les gosses déjà levés eux aussi et regroupés sur l’espace en terre battue qui servait d’aire de jeux, de pétanques, de réunion et de festivités.

J’y retrouvais René et Louisou, les fils du menuisier et plus rarement Claudette, leur cousine orpheline, qui, depuis sa récente première communion, nous snobait visiblement; Jilda, l’aînée d’une fratrie qui grandissait chaque année ; et enfin Christophe, merveilleux garçon à visage d’ange qui, depuis sa « paralysie infantile » ne se déplaçait plus que dans sa caisse à roulettes judicieusement nommée « carico » : petit char pour un petit prince.

 La nuit dernière, je les ai tous retrouvés : les maisons, les enfants, la rivière interdite. Le temps n’existait plus

Et c’est ainsi que, nuit après nuit, quartier après quartier, je retourne dans la ville qui m’a vue naitre, et que finalement, je n’ai jamais quittée.

El Pé

 

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The Great Wave off Kanagawa

 

 

Tsunami émotionnel

La nuit dernière, j’ai encore rêvé que je retournais à la plage de mon enfance. Ce cauchemar récurrent, car il s’agissait bien d’un cauchemar, me hantait depuis des années.

Pourtant, mon rêve débutait toujours de manière agréable : je me rendais à la petite plage de mon enfance, nichée entre les dunes, avec ma famille. Une légère brise nous accueillait et le contact du sable chaud sous nos pieds nous euphorisait instantanément. Je déposais ma serviette, entre celles de mes parents, et je commençais à m’assoupir, bercée par le ressac des vagues qui venaient s’échouer sur la jetée. Le bruit des rires enfantins s’estompait, me semblant de plus en plus lointain. Quand j’étais enfin endormie, je me sentais sereine, apaisée, en sécurité.

Mais soudain, des cris me réveillaient en sursaut et j’ouvrais les yeux. Comme si j’avais fait un saut dans le temps, je me retrouvais dans le corps d’une adulte. Je voyais les vagues qui commençaient à enfler et l’eau qui gagnait du terrain sur le sable, m’obligeant à reculer les serviettes et les affaires. Puis, les vagues devenaient monstrueuses, emportant tout sur leur passage et tout le monde se mettait à courir en tout sens autour de moi. Dans la panique générale, je ne retrouvais plus ma famille. Je ne savais que faire : fuir pour échapper à cette soudaine montée des eaux ou chercher à les retrouver, au risque de me faire engloutir… Prise d’une affreuse culpabilité, je me résignais à m’enfuir. Les vagues se faisaient de plus en plus énormes et l’eau dévastait tout. Mon corps semblait comme anesthésié et j’éprouvais des difficultés à me mouvoir, pour m’échapper. Mes pieds s’enfonçaient dans le sable et j’essayais d’accélérer, pour ne pas me laisser submergée par la mer déchaînée.

Je réussissais enfin à quitter la plage et je courrais vers un immeuble en construction, en arrière des dunes. Je ne l’avais jamais remarqué : immense, il paraissait pourtant avoir été érigé là en quelques instants. Je m’engouffrais dans le bâtiment, repérais l’escalier et commençais à en gravir les marches. Au fur et à mesure de mon avancée, je pouvais voir par les fenêtres l’eau qui montait et qui rapidement arrivait à ma hauteur. Je me sentaisoppressée, j’éprouvais des difficultés à respirer, comme si mon corps se préparait à la noyade. Quelle horrible sensation !Au prix de terribles efforts, à bout de souffle, les jambes tremblantes, je parvenais enfin au sommet de l’immeuble... et je m’éveillais en sursaut.

Comme toujours, je ne savais pas comment se terminait mon cauchemar, si je réussissais à me sauver ou si l’eau m’emportait : je me réveillais toujours au même moment, essoufflée, en sueur, les jambes douloureuses d’avoir tant couru, mon cœur battant frénétiquement dans ma poitrine oppressée. Je me demandais comment mon cerveau pouvait à ce point leurrer mon corps… Je ne trouvais jamais les réponses, mais je comprenais la portée de ce rêve : serai-je à la hauteur de la tâche qui m’attend ? Saurai-je dépasser les difficultés et ne pas me laisser submerger par une vague émotionnelle, écumante de doutes, de craintes et de peurs ? Je n’ai pas non plus la réponse à ces questions, mais j’y travaille… en écrivant.

Fabienne

 

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Sans-abri

La nuit dernière, j’ai encore rêvé que je retournais à la maison, un hôtel particulier à Neuilly, où j’avais vécu un jour lointain, quand j’étais riche. La maison où j’avais été heureux, avec une femme qui m’aimait et des enfants merveilleux.

À cette époque, héritier d’un gros groupe financier avec une armée de collaborateurs qui travaillaient pour moi, je pensais que tout cela était acquis, que la vie serait toujours cette succession de plaisirs, de fêtes, de dépenses considérables, de loisirs coûteux. Je papillonnais entre séances d’équitation, d’escrime ou de tennis, je ne savais jamais quelle voiture j’allais choisir pour la journée, j’achetais une bague sertie de diamants comme s’il s’était agi d’un bijou de pacotille, je n’avais aucune conscience de ce que je dépensais, et surtout je n’avais aucune idée de la valeur de ce que je possédais, une famille qui m’aimait.

Quand le virus du jeu m’atteignit, c’était à l’occasion d’un pari. Pour me divertir, je continuai. Je perdais, je gagnais, quelle importance. Puis au fur et à mesure, mon humeur changea en fonction de mes gains ou de mes pertes. Il fallait, si je perdais que je regagne cette somme sous peine d’être dans un perpétuel état d’énervement. Bien sûr, je perdis, de plus en plus souvent, et de plus en plus d’argent. Impossible de mettre un terme à cette addiction ! Je vendis tout ce que je possédais jusqu’à ma maison. Bien sûr, ma femme me quitta pour protéger mes enfants. Elle m’aimait pourtant, je le sais, mais n’avait pas d’autre choix.

Et je me retrouvai seul, sans famille, sans amis, sans argent avec pour unique refuge la rue, la rue et ses dangers, la rue et ses intempéries, la rue sale, la rue triste, la rue désespérante. Cela fait dix ans déjà que je suis un sans-abri. J’ai eu le temps de regretter ma vie d’avant. J’ai eu le temps de regretter mon inconséquence, de me repentir, car toutes les nuits depuis dix ans, je rêve …que je retourne à la maison.

Gill

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