Photo au choix

 

Après un jeu qui nous a permis de trouver six mots ayant une rime en « ine »

Chacun choisit la photo d’un objet puis écrit, en 20 minutes, un texte dont le héros sera l’objet et contenant les six mots suivants :

Gamine  crinoline  cousine  coquine  comptine  vitrine

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Echarpe de laine

 

          Ma jeune cousine était une gamine impossible, coquine comme il n’est pas permis. Pour l’anniversaire de ses dix ans, je lui avais tricoté une écharpe. Oh, pas n’importe laquelle ! En pure laine ! De la plus douce qui puisse se trouver ! Et multicolore de surcroit. En fait, elle se voulait une réplique de l’arc- en- ciel, l’ordre des couleurs (dans le sens de la longueur) étant évidemment respecté. A  la difficulté du jacquard s’ajoutait celle d’un point de riz plutôt compliqué…Bref, c’était, on peut le dire, quasiment une œuvre d’art…dont je n’étais pas peu fière, j’ose l’affirmer.

 

          Le jour de l’anniversaire finit par arriver. Bougies à souffler, gâteau à déguster, jeux de charades et comptines reprises en chœur, rien ne manquait à la panoplie des festivités habituelles à ce genre d’évènement. Ma cousine Valentine (dont le nom, n’est-ce-pas, suggèrerait plutôt la douceur, mais je n’y suis pour rien), piaffait d’impatience, visiblement. A l’évidence, tout ceci ne représentant pour elle que formalités fastidieuses précédant le seul moment intéressant : celui des cadeaux.

 

          Et il y en avait une montagne ! Chaque invité s’était évertué à faire preuve de goût et d’imagination… en pure perte d’ailleurs ! Oui, car Valentine ouvrait les paquets à toute vitesse, jetait à peine un coup d’œil à leur contenu et passait aussitôt au suivant. Prémonition ou autre chose ? Je commençais à ressentir une légère inquiétude.

 

          Des cadeaux, le mien était le dernier.

 

Valentine déchira frénétiquement le papier, saisit l’écharpe et… éclata en sanglots. Avec les quelques mots qui parvinrent difficilement à se frayer un chemin entre ses larmes, nous reconstituâmes une explication plausible : Sans aucun doute possible, Valentine s’attendait à recevoir en cadeau aujourd’hui la jupe rose à crinolines qu’elle avait aperçue dans la vitrine des Dames de France, et ce malgré le refus-gentil mais ferme – de la maman qui trouvait cette jupe beaucoup trop habillée pour son âge. Argument dont sa fille n’avait tenu aucun compte, persuadée que ses désirs seraient finalement satisfaits. Comme d’habitude.

 

      Valentine tenait toujours l’écharpe à la main. Cessant brusquement de pleurer, elle se mit à rire, s’empara d’une paire de ciseaux et entreprit de découper mon œuvre d’art en petits morceaux, et avant que quiconque ait pu intervenir, des éclats d’arc-en-ciel, du plus bel effet, jonchaient le tapis du salon.

 

        Ulcérée, je partis sur le champ sans dire au revoir  à personne, mais en me jurant cependant de ne plus jamais fêter un seul anniversaire de mon insupportable cousine.

 

        Valentine a aujourd’hui soixante sept ans et moi soixante quinze. J’ai toujours tenu parole.

 

                  El Pé

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Wittelsbach diamond, before beeing recut by Graff

wikimédia

 

Les mémoires de « la Marquise » 

 

Mais que fais-je dans cette brocante de province où l’on trouve pêle-mêle des colliers en plastique, une poupée en crinoline, un livre de comptines, une édition ancienne de « la cousine Bette » et bien d’autres objets hétéroclites. Moi, dont la valeur est inestimable, bien qu’ici méconnue, je devrais être mise en valeur dans un écrin de velours rouge, dans la vitrine d’un musée.

 

Je ne vous parlerai pas de ma découverte, en Indes, lorsque, pierre brute, je fus extraite de l’une des premières mines de diamant. Je ne m’étendrai pas non plus sur mes premiers mois où je fus sélectionnée pour ma brillance, ma pureté, mon éclat, mais je vous parlerai de la période qui suivit, quand je devins un bijou unique, qui, en son temps, a défrayé la chronique.

 

De quelle dextérité, de quel art le joaillier qui m’a taillée avec une extrême finesse a-t-il fait preuve pour me sertir sur un jonc de platine et me transformer en un véritable joyau. C’est alors qu’en gage d’amour, mes 22 carats furent offerts à la Begum par son époux, l’homme le plus riche du monde, l’Aga Khan.

 

Quel malheur pour la Bégum quand je fus volée avec tous ses bijoux lors d’un braquage à Marseille puis quel soulagement et quelle joie quand je fus retrouvée. Bien que transformée par d’habiles trafiquants et malgré une taille différente, elle me reconnut.

 

C’est après cet épisode que ma vie se transforma. Petit à petit, la Begum se mit à me trouver terne, à douter de mon authenticité, à penser que j’étais une pâle copie. Elle me porta de moins en moins, puis plus du tout. Enfin, ne pouvant plus supporter ma vue, elle me donna à une de ses femmes de chambre, une gamine coquine au regard malicieux qu’elle appréciait particulièrement pour sa bonne humeur. Vous devinez la suite. Elle me vendit, et de propriétaire en propriétaire, d’héritage en faillite, de mise en gage en rachat, on en oublia ma valeur et voilà pourquoi je me retrouve ici, dans cette brocante, attendant le bon vouloir du client.

 

Tiens, le charmant couple qui entre s’intéressera-t-il  à moi ? Ils n’ont pas l’air riche, mais ils s’aiment, c’est sûr. S’il m’achète pour elle, j’ai l’impression que je serai bien sur ce joli doigt fin. Ils s’approchent, me regardent, se regardent et je vois alors dans leurs yeux le bel avenir qui m’attend.

 

Je vais donc retrouver ma destination première, être offert par amour, moi, le diamant qu’on appelle « la Marquise », le plus beau joyau des bijoux de la Begum. Et si personne ne connait ma valeur, qu’importe, je n’en serai que plus tranquille.

 

Gill

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