Chemins étonnants

 

La photo d'un chemin particulièrement étonnant est remise à chacun avec cette consigne:


Vous êtes sur cette route ou sur ce chemin, seul(e) ou accompagné(e), à pied, ou dans un moyen de locomotion de votre choix. Décrivez, sans y réfléchir, vos sensations, vos émotions, vos élucubrations, votre rêve ou votre cauchemar. Vous pouvez vous glisser dans la peau  d’un narrateur qui n’a rien de commun avec vous.

En 30 mn  écrivez un texte inspiré de cette illustration

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les illustrations de cette note proviennent du site internet slideshare.net

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On the road …

 

       Le grand ciel de l’Ouest, symbole de liberté, s’ouvrait devant Jimmy. Une liberté miraculeusement acquise puisque trois heures auparavant il se morfondait encore dans l’une des cellules bordant la ligne verte, au pénitencier de Cincinnati. Il avait fallu un concours de circonstances tout-à- fait extraordinaire pour que Jimmy parvienne à s’emparer des clés et tromper la vigilance des sentinelles postées au sommet des miradors. Un concours de circonstances comme il n’en arrive qu’une fois par siècle…et encore !!

 

      Toujours est-il qu’il avait pu s’enfuir de la prison et que depuis il courrait. Il courrait comme un dératé sur la route poudreuse et droite comme une règle d’écolier géant, qui ne cessait de s’enfoncer dans un horizon toujours aussi lointain, parmi les vastes champs s’étendant à perte de vue, décidés à nier sans doute l’existence des quatre points cardinaux. On aurait dit qu’un Moïse déguisé en cow boy avait ouvert un chemin à travers cette mer de blé. Présage de délivrance bien sûr. Mais pas un arbre, pas un abri. Rien pour rompre l’immensité. « L’Enfer », murmura Jimmy, les lèvres sèches.

 

       Le soleil s’était levé depuis longtemps déjà, amenant avec lui une chaleur torride. La peau brûlante, le cœur battant à tout rompre Jimmy courrait.

 

        Il courrait pour échapper à la mort car, il le savait bien, c’était la Chaise qui l’attendait, à l’autre bout de la route. A chaque fois qu’il y pensait, une sueur froide l’inondait, des pieds à la tête, ralentissant son allure.

 

       « Je suis innocent !!! » cria-t-il aux nuages, comme il n’avait cessé de le crier depuis son arrestation. Mais personne ne l’avait cru ; et les nuages eux aussi filaient devant lui, indifférents. Un sanglot monta dans sa gorge tandis que des larmes séchaient avant même d’avoir touché ses joues. « Non !  Ils ne m’auront pas ! Melly je t’aime ! Melly attend moi, j’arrive ! Nous nous cacherons, nous passerons la frontière, ils ne nous  retrouveront jamais ! »

 

      Et à l’idée du bonheur futur, un sourire s’esquissa sur ses lèvres que la chaleur à présent faisait saigner.

 

   Soudain, un grondement se fit entendre presqu’au dessus de sa tête. Levant les yeux, il aperçut un immense nuage noir qui avançait, prêt à l’engloutir, avec le reste du monde.

 

            « Hourrah ! L’orage, la pluie, de l’eau enfin !! » S’écria Jimmy en éclatant d’un rire joyeux…

 

               A ce moment précis, l’hélicoptère du pénitencier surgit juste derrière lui.

 

                                                                                    El Pé

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Le chemin scabreux

 

Je suis à ses pieds, ça y est, je lève la tête, j'essaie d'évaluer sa majestueuse hauteur vers le ciel, la difficulté pour aller la voir sur son sommet

 

Je vois le petit chemin étroit, s'étirer tourner et, disparaître entre deux failles, vraies lames effilées, ce que tu en imposes toi si sombre, si verticale, ma belle, je te respecte et t'admire en même temps, je me fais humble et toute petite pour que tu me laisse aller jusqu'au cœur de tes entrailles,  que tu m'en donnes la force, j'en ai trop envie,

Je sens monter en moi toute l'adrénaline et l'excitation, d'une formidable aventure que rien ne peut arrêter,

Je commence par descendre un escalier taillé dans la roche, pour ensuite  trouver le départ du sentier escarpé seulement protégé du vide, par des piquets en bois reliés les uns aux autres par des fils de fer, c'est bien dérisoire me dis-je !!!!!

 

Mais  ne regarde pas en bas, droit devant  allez !!!!! , je me sens si minuscule devant cette immensité une vraie tour sombre et tourmentée; ça et là, quelques arbustes rabougris, maigrichons,  tremblotants dans l'air frais matinal, un calme angoissant, oppressant, épaissit l'air,

 

Pas un chant d'oiseau n'égaye cette escalade, seule une brume s’effilochant, tournoyant, m’accompagne, le sol tantôt pierreux tantôt crayeux dérape sous mes pieds, des pierres se détachent et roulent, me faisant trébucher puis, disparaissent dans le vide si vertigineux ;

 

plus j'avance et ,  plus mon souffle se fait court , les pauses sont de plus en plus fréquentes et ,   longues  j'ai du mal à repartir , je n'ose plus lever les yeux  ; tant le sommet me semble inaccessible  , ça tourne  ; ça monte  , ça redescend ; le sentier s'étrécie ;  je suis  complètement coincée entre les roches qui se font de plus en plus menaçantes ; suintant d'humidité , une odeur de moisi agresse  mes narines , la poitrine serrée dans un étau , imprégnée de cette humidité froide qui envahit l'atmosphère , je sens un début de panique monter en moi , j'ai une folle envie de voir un peu de bleu du ciel , j'ai hâte de remonter , je me reprends rapidement et continue mon ascension essayant de respirer calmement , je suis bien dans ton ventre là , tu me tiens , je ne peux rien contre ta grandeur  ta force  féroce  , il faut aller  jusqu'au bout ,le cœur cognant ,  les tempes battantes , je me parle , tu ne vas pas capituler maintenant , tu y arrives ,  encore un effort final ,  pense que tu vas pouvoir respirer à plein poumon là-haut ;  admirer le paysage à couper le souffle , crier ,pour écouter l'écho se répercutant  traversant les montagnes , courant dans la vallée , sentir la joie envahir tout mon être  , saisie d'une ivresse incomparable , m'emportant à l'infini ,  au bout du monde .

 

 Rina

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CHEMIN ETONNANT

 

Les murs de ma chambre d’hôpital me pèsent. J’étouffe dans ce clapier. La cloison, face à mon lit, est éclairée d’un poster aux teintes vertes et bleutées. Ce sont mes couleurs justement. Mais a-t-on idée d’exposer ici un tel sujet : une paroi montagneuse d’une verticalité angoissante. Le sommet de cette falaise sans pied ni tête est découpé d’une grande ouverture oblongue qui éclaire les lieux. On y accède par un escalier monumental dont on ne voit pas la base. Cette trouée vers le ciel est certainement l’entrée du Paradis, et cet escalier-purgatoire doit remonter de l’Enfer. On le monte, ou on le descend : c’est selon…

 

Ce poster est-il une représentation prémonitoire de l’issue de mon passage à l’hôpital ? Me prépare-t-il à un réveil dans un monde meilleur ? Ou pire ? En bas, la masse incandescente des malotrus qui n’ont rien respecté durant leur vie sur terre. En haut, le bout du tunnel, lumineux, attrayant, d’où s’écoule une musique enchanteresse.

 

Je regarde d’un œil torve le médecin anesthésiste venu m’ausculter et m’interviewer.

 

J’en viens à le soupçonner d’avoir eu le mauvais goût de coller ce poster au milieu du mur gris souris, couleur soi-disant apaisante… Couleur du temps bardé de brume qui étouffe le paysage extérieur.

 

Bruine, grisaille, poster, tout m’oppresse. Demain matin, on m’emmène au bloc à huit heures.

 

Avez-vous d’autres questions ? me dit l’anesthésiste.

 

Non, pas d’autres questions !

 

Je suis coincée dans une bulle dépourvue d’oxygène. La paralysie me gagne.

 

Alors, à demain peut-être…

 

Mouty

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Entre terre et ciel

 

Alors que mes mains s’accrochent aux deux rambardes qui m’entourent, juste la pointe de mon pied droit déborde sur l’entrée du chemin. « Chemin », dis-je ? Il n’en a que le nom ; je dirais plutôt « passerelle » s’envolant entre deux mondes, terre rassurante et ciel infini. Je suis terrorisé par le vide que je sens en dessous de moi, plus  que je ne le vois. Il m’attire et m’effraie à la fois. J’ai l’impression d’être en suspension dans une immensité qui m’entoure tout entier, loin du sol, au milieu du ciel, entouré d’un enfer vert, apercevant droit devant moi une petite plate-forme hexagonale semblant s’enrouler autour d’un majestueux tronc d’arbre, salvatrice à mes yeux, je ne sais pas pourquoi.

 

J’entends une voix douce me dire : « Ecoute –moi, n’entends que moi ; lance-toi, avance les pieds ». Alors, précautionneusement, comme un enfant qui fait ses premiers pas, je m’avance sur les lattes de bois. Par la fente de mes paupières mi-closes et derrière le rideau rassurant de mes cils, je regarde ce qui m’entoure : la cime des grands arbres, sous le chemin, m’apparait alors comme un moelleux tapis vert sur lequel mon corps pourrait tomber sans se blesser. Au dessus de ma tête, je vois le ciel comme un dôme immense et sans fin où je pourrais voler comme un oiseau aussi loin que mes ailes pourraient me porter. J’ai l’impression d’évoluer sur une souple liane jetée d’arbre en arbre dans la forêt tropicale, d’où montent des parfums et des bruits qui laissent deviner une vie inconnue sous mes pieds. Et je marche alors d’un pas assuré, presque rapide, vers la plate-forme qui s’approche de plus en plus. Je suis bien, je n’ai plus peur de rien, le vide est devenu un élément maitrisé, presque naturel.

 

J’arrive sur la plate-forme, détendu, les yeux grands ouverts, regardant calmement autour de moi, quand j’entends la même voix chaude et rassurante : « Ecoute toujours ma voix, rien que ma voix et maintenant…    réveille-toi ! ». Le Docteur F…. est là, à côté du fauteuil où je suis allongé, et je réalise que c’était ma dernière séance d’hypnose et que sa voix accompagnait ma guérison ; alors, je souris intérieurement, je vais revivre car je n’aurai plus peur du vide. C’est important quand on veut être  parachutiste !

 

Gill

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