Une journée exceptionnelle
Choisir un objet de plage parmi les suivants et, en 20 minutes, faîtes-le raconter une journée ou une aventure exceptionnelle dans sa vie.
Transat/chapeau/lunettes de soleil/serviette de plage/glacière/ballon raquette/maillot de bain /sandwich
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Le jour de gloire du canotier
Le plus beau jour de ma vie est passé et je sais qu’il ne se reproduira plus. Mais ce que j’ai vécu, je le souhaite à tous.
Je ne suis pourtant pas un anonyme, moi le canotier. Je ne suis pas un simple chapeau parmi tant d’autres. Certains de mes confrères furent célèbres, comme ceux de Maurice Chevalier ou Fred Astaire ou encore ceux portés par les personnages de Maupassant ou représentés sur une des toiles de Renoir. Et cette gloire rejaillit un peu sur nous tous.
Quant à moi, jusqu’à maintenant, j’avais eu une vie très satisfaisante, bien qu’ordinaire, trônant sur la tête d’un honnête père de famille dans les années trente et qui m’avait consciencieusement rangé en très bon état, quand j’étais passé de mode. Depuis une trentaine d’années, je continuais tranquillement ma vie, devenu objet décoratif, exposé sur un pan de mur parmi d’autres chapeaux ayant chacun une qualité particulière, ancienneté, rareté, élégance ou exotisme. Ainsi, je voyais défiler la vie de la maison jour après jour.
Jusqu’au moment où je me retrouvai, lors d’une répétition théâtrale, sur la tête de monsieur César Olivier, cafetier de son état, en grande conversation avec son ami Panisse ; et j’écoutai les mots de Marcel Pagnol, vous savez le fils de joseph, dans la bouche de César, avec cet accent chantant que je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre.
Et puis ce fut le jour « J », la représentation, moi, nettoyé, brossé, lustré, élégant, qualifié de « joli chapeau accompagnant un beau costume », juché sur le chef d’un acteur ; moi en plein lumière, trônant, saluant, acclamé par une salle pleine de respect. La gloire, la consécration vous dis-je ! Cela ne s’oublie pas et j’ai les larmes aux yeux en vous le racontant.
Allez, je peux retourner à ma fonction décorative, raconter mon jour de gloire ; je serai à jamais unique, brillant sur ce mur comme une étoile au firmament, repensant sans cesse à ce moment béni.
Gill
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Ce matin très tôt, toute la maison est en éveil. Valérie avait prévu une journée à la plage. Hier, chez le charcutier, j'avais entendu parler de jambon, pâté, etc…. J’ai tout de suite compris qu’on allait faire appel à mes services, car il faut bien l’avouer, je suis pratique, sympa et je ne tiens pas trop de place. Et voilà le pain tranché, tartine de beurre, jambon, œuf dur, salade, cornichons. Je suis superbe avec toutes ces couleurs! Et appétissant ! Oh là là ça se gâte, on m'enferme, on me serre. Au secours ! J’étouffe, je transpire, je n'aime pas ça ; j'espère que mon calvaire sera de courte de durée .Maintenant, je suis au frais, mais enfermé tout de même. Que la vie est dure !
Quelques heures passent, enfermé dans mon igloo ; enfin sonne l'heure du repas, je vais être libéré de ma torture. Les enfants applaudissent, crient de joie : la nichée a faim.
Devant l'euphorie, la petite chienne aboie, elle aimerait participer à la fête, et comme personne ne semble faire attention à elle, s’approche doucement et clac!!! Me voilà happé dans sa
gueule ; en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, me voilà emporté. Entre ses crocs je n’en menais pas large, j’étais secoué, balloté, j'en ai perdu mes cornichons.
Toute la famille court après ce satané animal, et moi je n'avais pas prévu cette fin pitoyable déchiqueté, assaisonné de sable, prêt à finir ma brève existence dans l'estomac de l'animal favori
de la maison.
Dedou
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Le chapeau ou La capeline entremetteuse
Je m’appelle Capeline. J’eus mes heures de gloire au siècle dernier, quand la bonne présentation exigeait de sortir « coiffée » selon l’expression consacrée, en particulier les jours de cérémonies.
Depuis quelques années, je reviens sur les têtes, les jours de noces, ou bien sur les plages. J’abrite Chantal d’un soleil malfaisant pour son teint. Si mes larges bords prouvent leur efficacité dans ce domaine, ils ont quelques inconvénients les jours de vent.
La semaine dernière, le vent marin sema la panique sur la plage. Il me prit à bras le corps et me transforma en aéronef s’élevant dans les airs avant de foncer comme une fusée sur les apprentis bronzés. C’est ainsi que je fis une belle peur à un CRS en le frappant traitreusement derrière la tête, plongeai sur le poitrail d’un touriste alangui, renversai le biberon d’un bébé affamé, balayai les serviettes et les verres d’une paillote.
Je poursuivis mes pérégrinations mouvementées jusqu’à ce qu’un volleyeur, habitué des passes surprenantes, m’agrippât brutalement. Il m’enfonça sans ménagement sur son crâne hirsute, et fit un tour de plage à la recherche de la dame à qui j’appartenais. Justement, elle était belle, assortie à son chapeau.
Il me tendit gentiment, avec quelques courbettes, un grand sourire, des mots gentils et prometteurs. La galanterie masculine n’a pas encore totalement disparu…
Depuis cet incident, je suis le témoin de chuchotements hardis qui se renouvellent tous les jours.
Mouty
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Et voilà, cela devait arriver, je pressentais qu’aujourd’hui serait un jour maudit quand Madame a ouvert brutalement l’armoire puis le carton dans lequel je dormais plié dans un papier de soie. Hier chéri, maintenant au rebut, tel est le triste destin d’un maillot de bain. Pourtant, maintenant que me voilà dévolu au nettoyage des vitres, je pense avec nostalgie et tristesse à ce que j’ai connu, subi et endurerai. J’étais un charmant une pièce, bleu avec des fleurs blanches, des nœuds sur les épaules, fier de mon élasticité de bon aloi. Pendant un été, mon ingrate maîtresse m’a arboré au bord de la piscine, suscitant l’admiration de tous les mâles, la jalousie des femelles. Début octobre, après quelques tours de machine, un poudrage au talc, j’ai entamé mon long sommeil hivernal. Mais le soleil brillait, l’eau pure de la piscine glougloutait. Madame se rappela mon existence. C’est qu’avec la crise, Monsieur avait serré les cordons de la bourse, je me sentais indispensable.
Donc ce matin, en maugréant après l’avarice de son époux, Madame m’extirpa de ma boîte. Elle me tourna dans tous les sens, fit la moue car les fleurs étaient un peu passées, le bleu moins éclatant. En soupirant, Madame pensa « je ferai avec, peut-être que mon mari obtiendra une prime ». Elle essaya d’introduire son corps en moi. Je dis bien essaya car elle n’y parvint pas du premier coup. Elle me considéra en tendant les bras puis fit une deuxième tentative, faisant comme une obèse voulant rentrer dans du 38. Elle arriva à ses fins, cambra fièrement son corps et mon tissu se distendit lâchement, les seins jaillirent des bonnets, les fleurs tombèrent. Je compris en un éclair que l’hiver m’avait desséché et que Madame avait pris trois kilos. Elle me jeta violemment par terre. Je gisais, déchiré, inutilisable et j’entendais Madame qui reprochait violemment son manque d’humanité à son mari lequel lui répondait « eh bien tu iras cul nu, tu n’avais qu’à ne pas manger autant ».
Triste fin pour qui a brillé tout un été.
Line
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